Rapport d’activité 2021 de la Miviludes 

La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) vient de publier son rapport annuel, restituant données, chiffres et textes sur le phénomène sectaire à l’aune des tendances observées en 2021. L’instance sous tutelle du ministère de l’Intérieur dresse un premier constat : le nombre de saisines ne cesse d’augmenter avec l’enregistrement de 4 020 cas pour l’année passée, soit une hausse de 33,6% en un an ou 1 012 dossiers supplémentaires. Panorama des constats, moyens, orientations face à cette dynamique croissante et évolutive.

Présentation et actions de la Miviludes

Depuis 20 ans, la Miviludes est un acteur central de la lutte contre les dérives sectaires. Son rôle, d’autant plus important depuis la crise sanitaire et la prolifération de nouveaux acteurs dangereux, s’avère fondamental dans le travail de détection, d’identification, de sensibilisation et de répression de ce risque. Depuis 2020, cet organe est passé sous l’autorité du Secrétaire général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), un changement institutionnel qui le rapproche des services d’enquête et de renseignement. Sonia Backès, secrétaire d’État chargée de la citoyenneté auprès du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, mais aussi le préfet Christian Gravel, président de la Miviludes et la magistrate Hanène Romhdane, cheffe de cette mission interministérielle, entendent coordonner la lutte contre le phénomène sectaire et mener une véritable politique publique pour endiguer ce fléau encore trop méconnu du grand public.

En 2021, la Miviludes a été à l’initiative de 20 signalements au titre de l’article 40 du Code de procédure pénale et 391 transmissions aux services compétents (ARS, DGCCRF, DPJJ…). Elle s’est aussi chargée du traitement de 13 réquisitions et de 59 sessions de formation pour 2 000 personnes sensibilisées.

Définir une dérive sectaire, un enjeu sémantique et juridique

Un problème de définition se pose lorsque l’on parle de « secte » puisque cette notion n’existe pas juridiquement. La Miviludes, elle, choisit d’employer l’expression de « dérives sectaires » lorsqu’il y a « un dévoiement de la liberté de pensée, d’opinion ou de religion qui porte atteinte à l’ordre public, aux lois ou aux règlements, aux droits fondamentaux, à la sécurité ou à l’intégrité des personnes ».

Il faut dire que le folklore lexical persistant sur le sujet et les notions vagues de « gourou», « gourelle », « leader charismatique » ou « maître à penser » peuvent desservir la cause et profiter à celles et ceux visés par ces accusations. Derrière ces termes, se cachent en réalité des délinquants ou criminels susceptibles d’être jugés. Ainsi, la Miviludes étaye sa méthodologie et procède le plus rigoureusement possible pour que les pseudo-thérapeutes, pseudo-professeurs, pseudo-coachs et pseudo-médecins soient mis en cause ou poursuivis dans le cadre d’infractions pénales avérées.

Pour parler d’une dérive sectaire, la Miviludes s’appuie alors sur les critères de dangerosité établis par la Commission d’enquête parlementaire de 1995.

La loi About-Picard de 2001 qui a étendu le délit « d’abus de faiblesse » (cf. article 223-15-2) permet également d’établir si un groupe devient sectaire.

Dérives et tendances sectaires observées en 2021

Parmi les mouvements identifiables ayant fait l’objet de saisines en 2021, on remarque une continuité par rapport aux années précédentes mais des tendances nouvelles apparaissent, dues notamment à l’effervescence de gourous 2.0. En effet, une toile sectaire se tisse en ligne avec des groupes mobiles, changeants et parfois impalpables, échappant peu ou prou à la classification ordinaire. La Miviludes parle d’un phénomène sectaire « à l’état gazeux » pour définir la situation actuelle.

Il faut toutefois commencer par revenir sur les mouvements historiques toujours présents. Àce titre, l’Église de la Scientologie témoigne d’une persistance réelle et même d’une stratégie de reconquête à grande échelle. De leurs côtés, les Témoins de Jéhovah continuent de faire pré-valoir les lois de Dieu sur celles de la République. Quant à la médecine anthroposophique et aux écoles Steiner-Waldorf, leurs activités se maintiennent avec les inquiétudes qu’elles suscitent.

Sont aussi cités « La Famille », groupe découvert récemment, qui apparaît comme une enclave sectaire en plein Paris et « Les frères de Plymouth », une communauté à filiation protestante qui inquiète, elle compterait 1 500 membres en France.

Par ailleurs, le néochamanisme, le dévoiement de pratiques méditatives, le détournement du féminisme à des fins sectaires, ou la naissance de groupes masculinistes virilistes sont à l’origine de mouvements émergents.

Au-delà des groupes existants mentionnés, des grandes tendances sont relevées.

Une écologisation du religieux prend forme petit à petit et présente des risques dans certains éco-villages au mode de vie autarcique et dogmatique.

Le développement de pseudo-guérisseurs multiplie le nombre d’escrocs ou charlatans profitant de personnes vulnérables. L’essor de ces « dérapeutes » présente un fort enjeu de santé publique. De la même manière, la prolifération d’offres de développement personnel, de coaching, de formations, de méditation de pleine conscience ouvre un marché propice à de multiples dérives sectaires. Les offres pédagogiques « alternatives » interpellent également les autorités.

Autre élément observé par la Miviludes : la dissimulation de pratiques sectaires derrière un statut associatif, comme la surnommée Alice « Pazalmar », fondatrice de l’association One Nation qui a utilisé la possibilité de collecter de l’argent sur HelloAsso pour rassembler du capital au profit de son éco-lieu.

Autre tendance sectaire grandissante : les promesses d’un enrichissement personnel rapide et exponentiel à l’instar des ventes multi-niveaux, des crypto-monnaies et des formations en ligne qui constituent des portes d’entrée vers des réseaux sectaires où argent, prosélytisme et violence font loi.

Le rapport établit une distinction entre les dérives sectaires et quatre notions voisines qui ont aussi suscité des saisines auprès de la Miviludes et méritent une attention spécifique : le complotisme, le survivalisme, le séparatisme et la radicalisation.

La Miviludes, son rôle de prévention et de répression du phénomène sectaire

Le rapport consacre une grande partie à l’explication de l’action préventive et répressive des pouvoirs publics sur le sujet.

En renforçant ses moyens humains et financiers, la Miviludes participe activement à la coordination de programmes pour lutter contre des mouvements dangereux. En atteste son appel à projets d’un million d’euros destiné à des associations et organismes de recherche visant à « accompagner les victimes, évaluer l’impact quantitatif des agissements sectaires, enquêter sur les préjudices subis par les victimes et leur entourage, développer des actions de prévention à destination de publics vulnérables ou particulièrement ciblés par des groupements sectaires, étudier le phénomène de « sortie » d’un mouvement sectaire ».

La coopération avec des élus de l’Assemblée nationale et du Sénat a entraîné l’élaboration d’un rapport sur les thérapies de conversion (à vocation religieuse), visant à « libérer » ou « guérir » de l’homosexualité. À la suite de ce travail, une loi a été adoptée, interdisant ces pratiques, notamment à ceux qui les exerçaient (communauté des Béatitudes, Torrents de Vie, Courage international).

La Miviludes a aussi développé
son action aux côtés de partenaires nationaux et internationaux comme le ministère de l’Intérieur, les services de police et de gendarmerie (SCRT, CAIMADES, DCI, SDAO, SCRC, GNVLDS, SDPJ), les ministères de la Justice, des Solidarités et de la santé, de l’Education nationale, de la Jeunesse et des Sports, du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion (France compétences et Qualiopi notamment) mais aussi avec des représentants religieux (ministres des cultes) et des associations spécialisées sur les questions sectaires.

Outre ces actions de coordination et de sensibilisation aux thématiques sectaires, la Miviludes utilise les moyens de répression légaux dont elle dispose comme le recours à l’article 40 du Code de procédure pénale pour signaler certains cas au procureur. Bien qu’elle n’ait pas de rôle d’enquêtrice, elle travaille quotidiennement avec des services de justice, de police ou des journalistes d’investigation.


La Miviludes donne la parole aux experts

La dernière partie du rapport, Réflexions d’experts, apporte des « regards extérieurs » sur le phénomène sectaire. Sociologue, politologue, psychologue, philosophe, juriste, médecin, journaliste, analysent dans des perspectives différentes tous les aspects de ce même sujet. Dans leurs textes, les spécialistes décrivent la « dérive sectaire » non pas au regard de la croyance elle-même -aussi extrême soit-elle- mais dans les conséquences préjudiciables qu’elle induit parfois pour une personne, un groupe, voire pour la société tout entière. 

(Source : Rapport d’activité de la Miviludes 2021 consulter en intégralité ici  : https://www.miviludes.interieur.gouv.fr/sites/default/files/publications/francais/MIVILUDES-RAPPORT2021_0.pdf  )

  • Auteur : Unadfi