La loi pour mieux lutter contre les dérives sectaires définitivement adoptée

Après 5 mois d’une partie de ping-pong entre députés et sénateurs, le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes a définitivement été adopté ce mardi 9 avril.

Fin du match. Comme le prévoit la procédure législative, l’Assemblée nationale a eu le dernier mot ce 9 avril. Faute d’accord en commission mixte paritaire, le 7 mars dernier, et alors que le Sénat a rejeté le texte en nouvelle lecture le 2 avril, il a finalement été adopté par 146 voix pour, 104 voix contre et 16 abstentions. Au cœur des débats, parfois âpres : l’article 4 qui instaure un délit de provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins. Il a été validé dans une version retravaillée par rapport au texte initial. L’intentionnalité devra ainsi être appréciée par un juge et un nouvel alinéa a été introduit afin que « l’information signalée ou divulguée par un lanceur d’alerte, dans les conditions prévues par la loi de décembre 2016 ne constitue pas une provocation au sens de l’article 4 ».

Ces infléchissements n’ont pas suffi à convaincre l’ensemble des oppositions qui parlent d’un texte « de plus en plus bricolé et de moins en moins lisible » et d’une « sur pénalisation qui n’est aucunement la solution et ne fera pas cesser les dérives sectaires ».

La secrétaire d’État en charge de ce projet de loi, Sabrina Agresti-Roubache, s’en défend : « Si le texte a bien évolué depuis le début de son examen, les objectifs poursuivis restent les mêmes (…). L’axe prioritaire du texte est le renforcement de l’arsenal juridique en la matière (…). Il n’est pas dans l’intention du gouvernement d’interdire la critique médicale mais de mettre hors d’état de nuire les gourous 2.0 ».

Création de deux nouveaux délits

Deux nouveaux délits sont ainsi créés. Le premier réprime dans une infraction autonome le fait « de placer ou de maintenir une personne en état de sujétion psychologique ou physique » (article 1). Le second sanctionne « la provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins, ou à l’adoption de pratiques dont il est manifeste qu’elles exposent la personne visée à des risques graves pour sa santé » (article 4).  Pour ce délit la peine encourue est d’un an d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende et de 3 ans de prison et 45 000 € d’amende quand la provocation sera suivie d’effets.

D’autres avancées sont contenues dans cette loi. Parmi elles :  le statut législatif de la Miviludes, le renforcement des mesures sanctionnant les thérapies de conversion et l’amélioration apportée au soutien de leurs victimes, l’allongement du délai de prescription quand les victimes de dérives sectaires sont mineures et le signalement aux ordres professionnels de santé des dérives que certains de leurs membres peuvent commettre au détriment de leurs patients.

Formation des médecins

Pour les associations qui se battent depuis des années, il s’agit d’une véritable avancée. Elles rappellent que « les indicateurs pointent une augmentation générale des dérives sectaires, y compris dans le domaine de la santé qui cumule un quart des signalements ». La crise de la Covid-19, et ses confinements successifs qui ont entraîné des isolements, ont marqué un tournant avec une hausse des signalements de 30 % entre 2020 et 2021. Pour Donatien Le Vaillant, responsable de la Miviludes, « la prévention est essentielle (…). Et cette nouvelle loi est un outil supplémentaire, c’est concret ». « Il est aujourd’hui important de sensibiliser les professionnels via des actions de formation ».Une convention a été signée avec l’Ordre des médecins.

Saisine du Conseil constitutionnel

Mais rien n’est vraiment encore inscrit dans le marbre. Au Rassemblement National et chez les Républicains, cette loi n’est pas conforme à la constitution Le mardi 16 avril, ils ont annoncé saisir le Conseil constitutionnel. Pour eux, il y a « une atteinte excessive à la liberté d’expression ». Ils contestent la création d’un nouveau délit de « provocation à l’abstention de soins ». Ils n’en démordent pas : « C’est l’ensemble du débat médical qui risque d’être mis sous cloche et l’exclusion des lanceurs d’alerte de son champ d’application n’y changera rien : un lanceur d’alerte ne peut être reconnu comme tel que plusieurs années après ses révélations, posant un grave problème de temporalité et rendant possible des condamnations infondées ». Pour les sénateurs LR, « ni la nécessité, ni la proportionnalité de ces nouvelles incriminations ne sont établies dans la mesure où il existe déjà plusieurs autres incriminations comme la répression de l’exercice illégal de la médecine ou des pratiques commerciales trompeuses ».

Dans leur saisine, les sénateurs LR contestent également la création d’un délit de placement ou de maintien en état de « sujétion psychologique » qui revient, selon eux, « à permettre la sanction de tout type d’emprise, de manière générique ».   

(Sources : LCP, 09.04.2024 & Le Quotidien du Médecin, 10.04.2024 & BFM, 16.04.2024)

  • Auteur : Unadfi