Le média strasbourgeois Pokaa a reçu des membres de l’Adfi Alsace pour un entretien au cours duquel ont été abordés divers aspects du phénomène sectaire et notamment son évolution actuelle sur les réseaux sociaux.
L’Adfi Alsace compte une quinzaine de bénévoles qui se relaient toute la semaine pour tenir une permanence téléphonique. En 2019, ils ont reçu environ 200 appels et 210 SMS, parmi lesquels 55 ont nécessité un signalement à la police.
L’Adfi rappelle que l’article 1er de la Constitution Française protège la liberté de croyance des individus, mais l’absence de définition juridique du mot secte constitue une difficulté pour le travail des associations. Cependant l’Adfi précise que « Lorsqu’il y a un phénomène de déstabilisation mentale, qui débouche sur une rupture avec l’entourage, on peut s’inquiéter d’une dérive sectaire. » , en particulier si c’est la conséquence de l’adhésion à une structure de type dogmatique, autoritaire au fonctionnement opaque.
Pour l’Adfi, les idées reçues sur les sectes sont nombreuses, en particulier celles sur le profil des victimes. L’Adfi explique que les propositions sectaires peuvent toucher tout le monde, car elles n’ont pas « forcément un lien avec la religion », et ne sont pas toujours le fait de grosses structures. Un adepte n’est ni consentant, ni plus faible, ni moins intelligent que n’importe quelle autre personne.
Mais l’endoctrinement se déroule toujours selon le même schéma. Au départ il y a une promesse répondant à une aspiration : bien-être, réponse à une quête de sens… Puis lorsque la rencontre a lieu, la secte déploie ses atouts de séduction (valorisation, mise en confiance…) pour retenir le nouvel adepte. Une fois cette étape franchie, vient l’endoctrinement et enfin la rupture avec l’environnement d’origine, famille, amis, collègues. Détenteur du nouveau savoir inculqué par le groupe, le nouveau venu se coupe de ceux qui ne le comprennent pas pour avancer vers la connaissance. Une fois le retour vers les proches impossible, la secte le maintient sous sa dépendance en l’obligeant à investir tout son temps pour la mission fixée par le groupe. Il ne doit plus penser et agir que selon ses le droit à l’erreur n’est pas permis, « les sentiments de culpabilisation et de dénonciation alimentent une atmosphère de peur ».
L’Adfi Alsace alerte sur le danger des réseaux sociaux dans l’embrigadement sectaire. Internet amplifie le « pouvoir d’attraction des sectes » en leur donnant la possibilité de toucher directement les adeptes et de les isoler. Le caractère instantané des communications rend la réflexion et la prise de recul difficile. En outre, le web facilite grandement les transferts d’argent.
Les secteurs investis par les sectes ne sont pas forcément en lien avec le domaine du religieux, et l’inquiétude de l’Adfi Alsace se porte surtout vers la santé. Près de 3 000 médecins seraient en lien avec des mouvements sectaires. Les propositions promettant la libération de « son potentiel de guérison, d’épanouissement, ou de réussite » sont nombreuses. Mais leur efficacité n’étant pas prouvée, elles peuvent se révéler dangereuses et devenir un enjeu de santé publique.
Avoir un proche dans une secte, ça n’arrive pas qu’aux autres, et l’Adfi donne des pistes pour repérer les signes d’embrigadement : changement de comportement, prosélytisme, rejet des autres, refus de soins, fortes dépenses pour l’organisation. L’Adfi conseille de garder le contact avec le proche et surtout de ne pas le culpabiliser s’il quitte le groupe car en laissant la secte, il laisse le but, la mission auxquels il consacrait sa vie et il aura besoin de soutien.
(Source : Pokaa, 11.03.2020)