Clap de fin ?

Sans président depuis un an, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) va disparaître ou plus précisément subir une restructuration. Rattachée jusqu’alors aux services du Premier ministre, elle devrait dès janvier 2020 intégrer ceux du ministère de l’Intérieur, et plus exactement celui du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR). Cette annonce a été vécue comme un coup de tonnerre par la majorité des acteurs de la prévention du phénomène sectaire qui craignent que ce sujet ne soit plus une priorité pour le gouvernement.

Ces informations tenant initialement de la rumeur, ont été confirmées par Laurent Nunez, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Intérieur, lors d’une allocution au Sénat. Il rassure les opposants à cette décision en précisant que les moyens et les missions de la Miviludes seraient préservés au sein de son nouveau ministère de tutelle. Pour Matignon, il est question de « synergies et de partage des compétences», citant l’exemple de la formation sur la prévention de la radicalisation, organisée conjointement par la Miviludes et le CIPDR. L’absorption de la mission par le ministère de l’Intérieur s’inscrirait dans le cadre d’une réflexion plus large sur la politique à mener en matière de prévention des nouvelles formes de radicalité.

« C’est une catastrophe. Cette décision est d’une conséquence terrible. Cette institution nous était enviée par le monde entier » a déclaré Georges Fenech, ancien président de la Miviludes et à l’origine de la révélation de l’information dans la presse. Serge Blisko, dernier président en date, temporise : « Je ne suis pas inquiet, le rattachement prévu est logique car ces services travaillent tous deux sur l’emprise. Il faudra juste veiller à ce que toutes les missions soient pérennisées. »

En 2017 déjà, un rapport de la Cour des comptes avait déjà émis l’hypothèse d’un rattachement au ministère de l’Intérieur dans un souci d’économie et d’efficacité.

La raison budgétaire a également été évoquée.

Nombreux sont ceux qui s’interrogent aussi sur d’éventuels lobbys ayant été capables d’influencer cette décision gouvernementale.

Créée en 1996 sous le nom d’Observatoire interministériel sur les sectes, elle devient la MILS (Mission interministérielle de lutte contre les sectes) en 1998 avant de devenir Miviludes en 2002. Pendant ses 17 années d’existence, elle a publié plusieurs rapports détaillés ainsi que différents guides. Elle est présente sur le territoire avec un correspondant dans chaque préfecture.

Tout en effectuant un travail de pédagogie à destination des fonctionnaires, enseignants ou professionnels de la santé, la Miviludes a démontré son efficacité en mettant au grand jour nombres d’affaires. Dernièrement, elle a révélé l’affaire du Fonds Josefa, une association mystique liée au controversé professeur Henri Joyeux qui a procédé à des essais cliniques interdits sur 350 malades de Parkinson et Alzheimer. Elle surveille de près l’installation de la scientologie (qui a investi 33 millions d’euros dans un nouveau siège de 7 000 mètres carrés à Saint-Denis) ou tente de faire la lumière sur la nébuleuse anthroposophe. « C’est un vrai combat de tous les jours. Entre la scientologie ou les dérives de certaines églises évangéliques, l’éventail est immense. Il faut des spécialistes qui peuvent déterminer qui sont les groupes véritablement dangereux. » a tenté d’expliquer l’un des membres de la mission.

Anne Josso, secrétaire générale de la Miviludes, s’inquiète d’ailleurs de la réduction annoncée des effectifs : de quinze conseillers qui composaient la Miviludes, ils ne seraient plus que trois ou quatre fonctionnaires dans la nouvelle configuration.
En interne, l’heure est aux regrets : « On a un savoir indéniable, mais le faire savoir a peut-être été déficient ».

Les acteurs du monde associatifs sont inquiets quant au suivi et à la prise en compte des victimes ainsi Joséphine Cesbron, présidente de l’Unadfi, tient à la complémentarité des acteurs dans la lutte contre les sectes. « Notre rôle à l’Unadfi, c’est l’écoute et l’aide aux victimes. Les fonctionnaires de la Miviludes, eux, peuvent saisir directement le parquet en cas de situation grave et c’est très précieux. » précise-t-elle. Le risque d’emprise sectaire existe dans quasiment tous les domaines de la société. « L’emprise sectaire a pris aujourd’hui une forme bien plus diffuse qu’avant » explique Marie Drilhon, également membre de l’Unadfi. Les membres des associations craignent globalement que le ministère de l’Intérieur ne soit pas attentif aux affaires non judiciarisables qui constituent pourtant la majorité des cas, en d’autres termes qu’il n’y ait plus suffisamment de moyens au service de la prévention.

Autre inquiétude, le CIPDR n’a actuellement plus personne à sa tête et la désignation d’un responsable est une question sensible pour l’exécutif. Selon le profil choisi, l’approche des différents sujets traités par le CIPDR risque d’être différente. Deux types de candidature seraient en lice et montrent l’hésitation entre deux caps : l’une issue de la société civile qui poursuivrait une approche sociale de la question des sectes, l’autre, plus sécuritaire, issue de la sphère préfectorale.

(Sources : Le Point & France Inter & La Croix & Le Monde, 01.10.2019 & Le Figaro, 02.10.2019)

Communiqués de presse :

– CAFFES : http://caffes.fr/wp-content/uploads/2019/10/COMMUNIQUE-DE-PRESSE-oct-19-Sauver-la-Miviludes.pdf

– Fédération française des masseurs kinésithérapeutes rééducateurs (FFMKR) : https://www.ffmkr.org/actualites/nos-actualites/1-oct-2019-disparition-de-la-miviludes-la-ffmkr-s-inquiete

– LDH : https://www.ldh-france.org/wp-content/uploads/2019/10/CP-LDH-Mivilude-1.pdf

 

À savoir

Malgré des années de prévention sur le phénomène sectaire, bon nombre d’idées reçues persistent dans les esprits :

– Il est faux de dire qu’il n’y a pas de dimension politique dans les sectes car la majorité d’entre elles ont un projet pour la société qu’elles souhaitent à leur image.

– La confusion entre phénomène sectaire et religion est une idée fausse volontairement entretenue par les sectes pour pouvoir invoquer la liberté de religion.

Certaines déclarations laissent craindre que ces erreurs persistantes n’influencent les futurs services dédiés au phénomène sectaire car elles ne servent qu’une cause : celle des mouvements sectaires !