Dérives sectaires : l’Etat a-t-il les moyens de ses ambitions ?

Alors qu’un nouveau texte pour lutter contre les dérives sectaires a été présenté par la secrétaire d’Etat Sabrina Agresti-Roubache, et qu’il a déjà été largement modifié par la commission des lois, l’Humanité s’interroge : la lutte contre les dérives sectaires a-t-elle les moyens de ses ambitions ?

« L’argent seul ne sert à rien. C’est le volontarisme pour améliorer la situation des victimes et l’information du grand public qui sont essentiels. Nous avons besoin d’un engagement fort ». Catherine Katz, présidente de l’Unadfi, est très claire. « Les dérives sectaires sont un phénomène particulier : si on ne le connaît pas, on ne le voit pas. Personne n’est à l’abri. Si on veut éviter le piège, il faut informer et former plus encore ceux qui accompagnent le parcours du combattant des victimes ». Et l’ancienne magistrate insiste : « les gourous sont encore trop souvent crus tandis que les victimes peinent à l’être. Or, elles sont de plus en plus nombreuses. Il ne s’agit pas de simples faits divers mais d’un phénomène de société très préoccupant ». Catherine Katz appuie ces propos sur le dernier rapport de la Miviludes qui fait état d’une augmentation des signalements de 34 % en un an. Une fois le diagnostic posé, il faut trouver les moyens d’y répondre « parce que les groupes sectaires sont nombreux… Et leurs lobbys puissants ». Elle estime donc que « tout ce qui peut concourir à renforcer l’arsenal juridique doit être encouragé » saluant le texte initial dévoilé, fin novembre, par la secrétaire d’Etat Sabrina Agresti-Roubache. Ce texte « reconnaissait les souffrances et introduisait de nouveaux délits ». Elle espère aujourd’hui que l’Etat et les deux assemblées s’inscrivent dans la même dynamique pour faciliter les actions devant les juridictions en donnant, notamment, aux associations, les moyens d’agir efficacement. L’Unadfi doit ainsi « conserver l’entier périmètre de sa reconnaissance d’utilité publique afin de poursuivre, dans les meilleures conditions, les missions qu’elle mène depuis 27 ans ».

La psychologue Delphine Guérard abonde. Experte auprès des tribunaux depuis 24 ans, elle atteste de la multiplication des dérives sectaires, dans le domaine de la santé notamment. Et juge la situation préoccupante : « plus le champ de la santé se dégrade, plus les pseudo-thérapeutes prospèrent ». Pour elle, « judiciariser ne suffit pas. Il est nécessaire d’accueillir, écouter et orienter. Un soutien aux psychiatres et psychologues est urgent. Une prise en charge adéquate ne s’improvise pas. Les situations sont complexes. Les équipes ont besoin de formation continue et de supervision. Un annuaire regroupant les professionnels devrait, par ailleurs, être accessible ».  

(Source : L’Humanité, 18.12.2023)

  • Auteur : Unadfi