Certains phénomènes psychologiques cognitifs transforment notre perception du monde et alimentent nos croyances. Des scientifiques ont établi les dix façons dont notre esprit nous manipule.
L’effet Forer, également connu sous le nom d’effet « Barnum », désigne l’impression qu’une description vague s’applique spécifiquement à notre personnalité. Cet effet s’explique notamment par la tendance à écarter les descriptions inexactes et à se concentrer sur celles qui nous conviennent. Il se produit lors des consultations d’astrologie, de voyance, de numérologie… La plupart des pseudo-sciences n’auraient sans doute pas le même succès sans cet effet.
La dissonance cognitive se produit lorsque les croyances entrent en contradiction avec les faits, quand la vision de soi-même est en décalage avec ses actes. Ce phénomène entraîne une tension mentale qu’il faut réduire à tout prix, quitte à réinterpréter la réalité. Il a été développé par le psychologue Léon Festinger à la suite d’une étude sur une secte dont la gourelle, Marian Keech, prétendait recevoir des messages extraterrestres lui annonçant la fin du monde pour le 21 décembre 1954. La fin du monde n’a pas eu lieu, les extraterrestres ne sont pas venus mais seuls deux membres quittèrent la secte. Les autres virent leur foi redoublée. Adaptant la réalité à leur croyance, ils ont décidé que leur prédiction était simplement reportée.
Le conformisme consiste à suivre la majorité même lorsqu’elle est dans l’erreur. Ce phénomène a été découvert par le psychologue Salomon Asch lors d’une expérience menée en 1951. Sur une série de questions où le groupe a manifestement tort, 37 % des questionnés se rallient systématiquement à la majorité, reniant leurs propres perceptions, 75 % des sujets suivent le groupe au moins une fois, et seuls 25 % ne se laissent jamais influencer. Le conformisme s’explique par la pression sociale, la crainte d’être rejeté par ses semblables.
La paréidolie est un effet psychologique très puissant qui pousse à percevoir des formes précises à partir de stimuli vagues et indéterminés. Il s’agit d’une forme d’hallucination visuelle et parfois auditive. Elle témoigne du besoin très humain qui consiste à donner du sens au chaos. Voir un visage dans les motifs d’une tapisserie ou distinguer des animaux dans les nuages sont des cas de paréidolie. Ce phénomène est particulièrement observé dans le contexte religieux comme le visage du Christ identifié en de multiples endroits.
Les corrélations illusoires tendent à créer des relations entre des événements qui n’en ont pas comme la pluie qui tombe à chaque fois qu’on lave sa voiture ou le téléphone qui sonne systématiquement quand on est sous la douche. Elles s’expliquent notamment par le besoin que nous avons de donner du sens à ce qui nous arrive et sont la source de nombreuses croyances populaires : le nombre de suicides qui augmente les nuits de pleine lune, ou les rhumatismes qui se réveillent en fonction de la météo. Les personnes y croient car elles se concentrent sur les exemples où la théorie se confirme. Les corrélations illusoires expliquent aussi la persistance de certains préjugés raciaux ou sexistes.
Les faux souvenirs ont été mis en évidence par Elizabeth Loftus en 2003. Le syndrome des « faux souvenirs » est une tendance à se rappeler des évènements n’ayant pas été vécus. Les conséquences peuvent être graves lorsqu’elles s’appliquent à des témoignages de crimes, ou encore dans le cadre de psychothérapies1.
La cécité d’inattention définit une tendance à ignorer ce qui se trouve sous nos yeux lorsque notre attention est concentrée sur autre chose. Ce phénomène témoigne de la façon dont le cerveau n’enregistre qu’un petit nombre de détails pour fabriquer sa propre perception de la réalité en occultant d’autres informations qui le submergeraient.
La croyance en la justice du monde incite à penser que rien n’arrive par hasard, et que ceux qui souffrent ont mérité leur sort. L’idée d’un monde injuste dans lequel on pourrait souffrir sans raison est intolérable, et il est plus rassurant de croire que chacun est responsable de ce qui lui arrive. Ce concept de justice immanente donne une illusion de sécurité tant que nous agissons dans les règles. On le retrouve dans les religions à travers des idées telles que la punition divine, ou le karma. Malheureusement, c’est aussi cette croyance qui pousse certains à blâmer les victimes pour les malheurs qu’elles subissent, qu’il s’agisse de viols ou de maladies…
La prophétie auto-réalisatrice consiste à interpréter l’attitude de l’autre comme une confirmation de nos soupçons alors que nous en sommes à l’origine. On retrouve les effets pervers de ce phénomène dans de nombreux domaines, comme celui de la course aux armements : un pays redoute que son voisin prépare une attaque, et décide d’augmenter le nombre de ses missiles. En conséquence, le pays soupçonné va traduire cette attitude comme une menace, et va lui aussi accroître son armement. Les deux protagonistes vont ainsi alimenter un cycle d’hostilité où chacun verra ses doutes confirmés par la réaction de l’autre. Associée à l’effet Forer, elle peut influencer votre comportement : si vous lisez dans votre horoscope que la journée se passera mal, vous vous focaliserez probablement sur les événements négatifs, vous serez de mauvaise humeur, et la prédiction sera directement responsable de ce qu’elle annonçait.
La connaissance rétrospective est une illusion psychologique, liée à l’organisation de la mémoire, donnant l’impression que nous connaissions depuis longtemps une information que nous venons d’apprendre. Elle consiste par exemple à prétendre connaître la bonne réponse à une question après qu’elle ait été donnée. Elle a été mise en évidence, en 1975, par le psychologue Baruch Fishhoff.
(Source : Techniques de l’ingénieur, 18.05.2015)
(1) Lire sur le site de l’UNADFI, Le phénomène des faux souvenirs… un vrai cauchemar : https://www.unadfi.org/domaines-infiltration/sante-bien-etre/psychotherapie-et-developpement-personnel/le-phénomène-des