Comprendre l’emprise psychologique

Le 3 septembre 2019 s’est ouvert le Grenelle contre les violences conjugales. L’un des onze groupes de travail, celui sur « les violences psychologiques et l’emprise », co-dirigé par Yael Mellul (ancienne avocate) et Hélène Furnon- Petrescu, a présenté ses propositions à Marlène Schiappa, parmi lesquelles la « nécessité de faire davantage condamner les violences psychologiques » et « la reconnaissance du suicide forcé chez les femmes se donnant la mort à la suit e de violences conjugales ».

La psychiatre Marie-France Hirigoyen, membre du groupe de travail, explique pourquoi des femmes peuvent en arriver à de telles extrémités. Selon elle, la violence trouve sa base dans un lent conditionnement et une emprise progressive mise en place selon un schéma similaire à celui de l’emprise sectaire. Tout commence par une phase de séduction, puis viennent les violences psychologiques qui se mettent en place sur trois registres : comportemental (contrôle, harcèlement), cognitif (messages visant à déstabiliser) et émotionnel (menaces voilées, « destruction d’objets aimés »). Ce système déstabilisant engendre une perte de repère et de confiance qui conduit souvent la victime à s’effacer, à renoncer à ce qu’elle était « pour éviter l’escalade de la violence ». Marie-France Hirigoyen voit souvent des femmes détruites par ces relations d’emprise, qui ont recours à des médicaments ou sombrent dans l’alcoolisme pour se sentir moins mal. Ce mal-être donne l’opportunité à leur partenaire de les détruire davantage en les rendant responsable de sa leur situation.

Les conséquences de l’emprise sont dramatiques. Les femmes reçues par Marie-France Hirigoyen sont dé­truites, et ce même sans violences physiques. Elle constate chez les victimes, des troubles d’ordre psy­chosomatiques (douleurs) et psy­chiques, jusqu’à des cas de stress post-traumatiques.

Embourbées dans un schéma des­tructeur, c’est souvent un tiers qui les amène à prendre conscience des violences qu’elles subissent.

Marie-France Hirigoyen déplore que la justice prenne rarement en compte cette problématique pour juger des cas de violence au sein du couple même si les preuves ma­térielles sont difficiles à apporter. Elle souligne qu’« il n’y a jamais de violences physiques sans violences psychologiques préalables » et que leur prise en compte pourrait éviter bien des drames.

(Source : Actu.fr, 14.10.2019)

  • Auteur : Unadfi