Comment entre-t-on dans une secte, et pourquoi y reste-t-on ?

Il s’agit ici d’examiner, non pas les motifs des futurs adeptes, dont les attentes et espoirs sont légitimes, mais comment les sectes procèdent pour les convaincre d’adhérer, et pour les maintenir dans le groupe.

1ère ÉTAPE : SÉDUIRE ET SUR-VALORISER

– En proposant des réponses immédiates, rapides et fermées, aux questions complexes de l’existence (la vie, la mort, la maladie…) à l’intérieur d’un groupe à priori chaleureux.

– En utilisant tous les grands thèmes mobilisateurs de notre époque : spiritualité, développement personnel, thérapie innovante, écologie, O.V.N.I….

– En valorisant le futur adepte : «Tu es une personne sensible, idéaliste, incomprise par la société. Si nous nous sommes rencontrés, ce n’est pas par hasard, nous avons une grande mission à accomplir.»

– En lui garantissant l’épanouissement, la connaissance, la liberté, le bonheur,… s’il suit le chemin tracé par le groupe.

 

2ème ÉTAPE : ANESTHÉSIER L’ESPRIT CRITIQUE & LA PERSONNALITÉ

– En créant des conditions de vie qui empêchent le futur adepte de prendre le recul nécessaire, et qui lui permettraient de réfléchir à son vécu et à son engagement.

– En réduisant l’intimité jusqu’à la rendre dérisoire : impossibilité d’être seul un instant, obligation de rendre compte de ses pensées secrètes, de ses émotions, confession obligatoire et dirigée…

– En modifiant le vocabulaire : le futur adepte doit s’approprier un langage propre au groupe, construit par la secte, et n’ayant de sens qu’à l’intérieur de celle-ci. Ce néolangage le prive de communication avec le monde, et en fait, appauvrit sa pensée. (Résultat très exactement opposé à ce qui était proposé au cours de la 1ère étape).

– En créant un état de fatigue ; longues journées de travail, conférences, démarchage à domicile ou sur la voie publique, longs temps de méditation, de prière, de formation à la doctrine du groupe.

– En introduisant des habitudes alimentaires qui affaiblissent l’individu : régime, jeûne…

 

3ème ÉTAPE : RENFORCER L’ADHÉSION AU GROUPE ET FAVORISER LES RUPTURES

– Rupture avec la famille, les amis, la société. Toutes les informations qui proviennent de l’extérieur sont déclarées suspectes ou manipulées. Toutes les personnes qui critiquent la secte sont décrites comme négatives, dangereuses, ignorantes, ou opposées aux progrès de l’humanité. Elles sont présentées comme seule source d’intolérance. Il est fortement conseillé de ne plus les fréquenter, parfois de les calomnier et éventuellement d’aller jusqu’à les poursuivre en justice. La famille et le milieu d’origine sont parfois déclarés seuls responsables de toutes les difficultés que connaît ou qu’a connu l’adepte.

– La société est souvent représentée comme un lieu de perdition, la médecine est suspecte ou inutile, la psychiatrie dangereuse, les religions totalement dépassées, la politique désuète. Seul le groupe conduit par Son Maître, qui s’auto-proclame sauveur de l’humanité, peut guider les hommes sur le chemin du bonheur et de la vérité.

– Les adeptes ont alors la certitude d’avoir une mission rédemptrice à accomplir mais, leur dit-on, « la Société a des résistances, des habitudes, des intérêts. On ne vous croira pas, on vous persécutera. C’est ici la preuve que vous êtes dans la vérité. N’en fut-il pas de même pour la plupart des disciples de la paix ? »
Raisonnement habile. Plus on s’oppose à un adepte de front et plus on renforce son adhésion au groupe.

– La rupture avec l’univers habituel de l’adepte peut être encore renforcée par l’incitation de la secte à abandonner ses études et/ou à partir à l’étranger (généralement pour une formation ou une mission).

 

4ème ÉTAPE : RENDRE LE RETOUR IMPOSSIBLE

– Le bonheur, la liberté, l’épanouissement ou la connaissance sont promis à chacune des étapes, si bien que l’adepte accepte de souffrir encore plus que ce qu’il pouvait souffrir à l’extérieur, au moment de son engagement, parce qu’à chaque fois, il pense qu’il serait dommage et stupide de s’arrêter si près du but, que toute sa souffrance, et que ses nombreux dons d’argent, n’auraient servi à rien.

– On a peur. La discipline est rigoureuse, les punitions sont sévères, la délation est permanente, on craint le monde extérieur, on a des dettes, on redoute des représailles.

– On s’est marié à l’intérieur du groupe, on a des enfants… Impossible de partir seul, il faut être deux à le vouloir en même temps.

– Les liens familiaux ont été coupés ou sont conflictuels.

– Les anciens amis n’existent plus.

– L’absence de revenus, de couverture sociale, ou de réelle expérience professionnelle, rendent le départ délicat.

– Les déplacements géographiques fréquents ne permettent pas de tisser des liens avec les personnes extérieures au groupe et qui pourraient aider au retour.

– Alors on reste, on se laisse faire.

Ces quatre étapes que nous venons de décrire :

1. séduire, sur-valoriser,

2. anesthésier l’esprit critique et la personnalité,

3. renforcer l’adhésion au groupe et favoriser les ruptures affectives, sociales et culturelles,

4. rendre le retour impossible,
tendent à créer progressivement un état de dépendance à l’insu de l’adepte. Celui-ci est alors aux ordres de son maître et peut se transformer en un redoutable fanatique.