Mise en place d’une relation d’aide

Toute la famille ainsi que les amis sont appelés à apporter leur contribution, chacun selon ses compétences et ses possibilités. En s’engageant dans une relation d’aide, personne ne sait le temps qu’elle durera. Elle peut s’échelonner sur plusieurs années.

En aucun cas, il ne faudrait sous-estimer la gravité du processus de soumission sectaire, espérer que le sujet prenne conscience de sa dérive et soit assez lucide et fort pour s’en sortir seul : l’adepte, attiré, manipulé, embrigadé a perdu son esprit critique, la capacité de penser par lui-même. Aussi, il ne faudrait pas tomber dans le piège de se dire que l’on ne peut rien faire sous prétexte de respecter le libre arbitre et le libre choix de l’adepte. De même, n’avoir plus aucun autre recours que l’intervention musclée serait adopter une position violente qui renforcerait le discours des sectes sur la famille.
 

Le but de la relation d’aide

 

La sortie volontaire de la secte est l’aboutissement d’un long cheminement, difficile à vivre puisque tout est fait dans la secte pour rendre la sortie impossible. Le but de la relation d’aide est d’aider l’adepte à prendre conscience qu’il est tombé dans un piège. Il s’agit d’utiliser des circonstances favorables (rencontres, séjour en famille) pour amener l’adepte à modifier son regard sur le groupe auquel il appartient et à surmonter la peur de se retrouver seul. Seulement, personne ne peut amener l’adepte à modifier sa perception du groupe sinon lui-même grâce à des auto-interrogations et des remises en question. Ainsi, le rôle de l’entourage serait de créer les conditions nécessaires pour que l’adepte piégé dans une secte progresse et échappe à la prison mentale que constitue le contrôle de la pensée en l’accompagnant dans sa réflexion et dans ses questionnements c’est-à-dire lui permettre de penser en dehors du groupe sectaire.
 

 

Relation d’aide versus relation sectaire

 

Il nous semble nécessaire d’avoir à l’esprit quelques caractéristiques à la base des groupes sectaires afin de proposer une relation de qualité qui serait opposée à celle proposée par le groupe. Selon nous, les plus significatives pour notre exposé sont l’intolérance, l’absence de respect de la personne humaine, la pensée unique et, enfin, la dépendance.

Par définition, l’intolérance est la tendance à ne pas supporter, à condamner ce qui déplaît dans les opinions ou la conduite d’autrui. Aussi, elle aboutit à un rejet condamnant tout ce qui n’est pas sa propre vérité. Et, bien souvent, intolérance et rejet provoquent un sentiment de haine pour tous ceux qui ne partagent pas les mêmes valeurs.

De plus, un individu sectaire, un groupe sectaire ne tient pas compte de la liberté de penser, d’agir de l’autre, de ses besoins et de son existence. Il y a absence de respect de la personne humaine.

Troisième caractéristique, la pensée unique. Si un adepte doute de ce qu’on lui enseigne, on lui apprend à nier ses propres idées, ses impressions, ses expériences, ses émotions. Car, tout ce qui contredit l’idéologie du groupe est une voie d’erreur et n’a aucune réalité. Ainsi, toute initiative, toute pensée personnelle, toute créativité individuelle doit être réprimée et la personne en désaccord avec la doctrine se voit culpabilisée, voire exclue de la chaleur du groupe tant désirée.

Enfin, la dépendance vis-à-vis d’une idée, d’une technique, d’une personne se manifeste par une absence d’autonomie, une absence de libre arbitre, une absence d’ouverture d’esprit, empêche toute possibilité de remise en question et étouffe l’esprit critique.

Ainsi, lorsque chacun est invité à réfléchir et à être tolérant, la relation proposée repose sur une démarche opposée à celle d’un groupe sectaire. De même, il est important de respecter la vérité car les milieux sectaires favorisent les mensonges, de se respecter et respecter l’autre c’est-à-dire ne pas accepter l’intolérable pour soi et accepter le choix de l’autre, d’être ouvert au dialogue où chacun peut s’exprimer librement avec l’assurance d’être écouté, d’éviter de mettre au pied du mur l’adepte en le pressant de questions et en lui lançant des ultimatums sous peine de voir les ponts coupés définitivement, et enfin, de faire taire toute agressivité afin de maintenir une relation malgré la pression du groupe.
 

 

S’engager dans une relation d’aide

 

Dans son attitude, la famille et l’entourage devraient d’entrée marquer sans aucune ambiguïté leur refus total de toute collusion avec la secte, ses pratiques, ses idées, ses théories. Aussi, il y a lieu de refuser toute forme d’aides financières. D’autre part, l’amour familial doit rester intact et sans condition. Seulement, la chaleur de l’entourage affectif ne doit pas devenir envahissante car l’adepte qui envisage la possibilité de quitter sa secte ne peut être motivé que par le manque de liberté qui pèse sur lui.

Préserver la chaleur familiale et/ou amicale

Avant tout, et selon Bouderlique, il faut essayer de maintenir ou de rétablir les liens de sympathie, de créer des liens de confiance et de donner des marques d’estime qui puissent rompre l’isolement de l’adepte dans son monde sectaire. L’adepte doit être certain qu’il peut compter, s’il veut quitter la secte, sur une aide déjà acquise et sans reproches. En lui rappelant les expériences positives du passé, les souvenirs familiaux, les centres d’intérêts que l’adepte possédait auparavant, tout le vécu hors du groupe, vous l’aiderez à reconnaître qu’il est possible d’être heureux en dehors de la secte mais, surtout, vous toucherez et renforcerez la partie  » intacte  » de sa personnalité. Aussi, pour l’adepte, renouer avec son passé, c’est fort probablement transgresser une des directives de la secte.

Ne pas heurter de front les convictions de l’adepte

Grâce à des techniques élaborées s’appuyant sur les découvertes les plus récentes de la psychologie et de la sociologie, l’adepte a été manipulé pour être capté, embrigadé et endoctriné. Comment pourrait-on souhaiter qu’il accepte que ses croyances soient fausses ? Ainsi, toutes discussions doctrinales seront refusées car elles sont inutiles. En effet, selon Bouderlique, à trop argumenter sur les enseignements et la doctrine du groupe, on court le risque de provoquer une réaction de justification qui contribue à ancrer l’adepte dans son discours : l’ébranlement des croyances donne passage à une angoisse qu’elles maintiennent refoulée et, trop insupportable, se traduit par l’apparition d’une agressivité de défense (ou par une acceptation des critiques qui n’est que pure façade, et renforce le sentiment d’isolement au sein de la famille).

Aucun argumentaire fondé sur la plus convaincante logique et sur les preuves les plus indiscutables ne saurait à lui seul suffire à décider un adepte à quitter le havre de sécurité psychique qu’est pour lui la secte. Il est nécessaire qu’il puisse apercevoir clairement les problèmes affectifs qui l’y ont mené et qu’il puisse être convaincu qu’il existe pour lui une meilleure solution.

Plus que de chercher à condamner, dissuader ou convaincre, on s’efforcera de montrer qu’il existe d’autres possibilités de penser et de vivre.

Rétablir le dialogue

Comme nous l’avons vu précédemment, ce n’est pas un hasard si on se laisse entraîner dans une secte (il y a des moments précis de la vie où les personnes sont en recherche ou en situation difficile conjuguée avec un certain degré d’isolement, et plus ou moins réceptives au discours de la secte). Il faut donc essayer de comprendre les raisons qui ont motivé l’adepte à faire confiance à ce groupe et découvrir les réponses que le groupe semble apporter.

En fait, il s’agit d’amorcer le dialogue en procédant par un questionnement ouvert et amical, en introduisant des sujets de réflexion, en échangeant des points de vue. Le caractère délicat de ces interventions tient en ce qu’elles ne doivent en aucun cas être imposées ou forcées en quelque manière que ce soit. Aussi, selon Bouderlique, il ne s’agit pas de porter un jugement, d’expliquer qui a tort et qui a raison, de convaincre à tout prix, de relever des aberrations, ni de faire semblant d’approuver le discours sectaire, ce qui serait malhonnête, ni de désapprouver avec violence, ce qui risquerait de mettre un terme à tout échange. Mais il est important d’inviter l’adepte à s’exprimer librement sur son groupe et les circonstances qui lui ont permis de le connaître. De même, écouter l’adepte dans une bienveillante neutralité lui offre certaines conditions de sécurité de penser dont il ne jouit plus dans la secte. Par là, il peut enfin se parler à lui-même en toute liberté et sans crainte de condamnation.

Une attitude de curiosité attentive constituerait la position la plus efficace à adopter. Pour cela, il faut établir le dialogue en émettant le moins possible de jugements. Très souvent, on verra alors que l’adepte éprouve le besoin de s’ouvrir au dialogue, un grand besoin de parler de lui-même, de ses goûts et ses choix, et qu’il n’est pas insensible à l’intérêt qu’on lui manifeste. Ce sont les premiers pas vers un véritable échange. Ce besoin de s’exprimer, souvent réfréné ou utilisé par les dirigeants de la secte à leurs propres fins, s’ouvre alors comme un véritable torrent.

Réveiller l’esprit critique

Aider un adepte à se sortir d’une secte consiste à réveiller le sens critique soigneusement anesthésié par le processus sectaire. Dans  » Les sectes : Guide pour aider les victimes « , Yves Casgrain propose une approche d’intervention très intéressante. Il s’agirait de demander à l’adepte quels sont les aspects physiques, psychologiques, spirituels positifs du groupe dans lequel il se trouve. Puis, de poursuivre en lui demandant s’il existe à sa connaissance d’autres mouvements capables de lui apporter les aspects positifs qu’il vient d’énumérer. Selon Yves Casgrain, dans la mesure où l’adepte aura pris conscience que son groupe n’est pas le seul à pouvoir lui apporter ce qu’il attend, il aura fait un premier pas vers l’indépendance. Ensuite, il s’agirait de l’interroger sur les aspects négatifs du groupe et de l’aider à poursuivre sa réflexion en lui demandant  » s’il croit pouvoir changer quelque chose à la situation négative qu’il vient de décrire, s’il a l’intention d’en discuter avec le responsable, comment ce dernier accueillera ses remarques, s’il le laissera critiquer librement le mouvement.  » Si l’adepte est convaincu que son leader va l’écouter, on pourrait lui suggérer d’aller lui parler sans tarder. S’il refuse, lui faire remarquer qu’il n’a pas à avoir peur de le faire puisque de son propre aveu le leader du groupe est un homme qui laisse ses adeptes (ou  » disciples « ,  » élèves « ) s’exprimer en toute liberté. S’il s’obstine dans son refus, demandez-lui pourquoi il hésite à s’ouvrir à son leader qu’il considère comme bienveillant.
 

 

Quelques réactions inefficaces à éviter

 

Selon Steven Hassan, lorsque l’on ne comprend pas le contrôle de la pensée ni les pratiques des sectes, il est facile de tomber dans certaines erreurs de comportement. En voici quelques-unes unes tout à fait significatives :

Ressentir de façon excessive un sentiment de culpabilité et de honte : une personne dans cette disposition psychologique aurait beaucoup de difficultés à demander de l’aide à des amis et un soutien aux professionnels. Aussi, la culpabilité entraînerait un non-respect de ses propres besoins alors qu’il est très important que la vie continue : il est nécessaire de se reposer, de se détendre pour ne pas entrer dans la sphère de l’obsession, et ainsi de l’aliénation freinant toute action.
Réagir de façon disproportionnée : un adepte peut s’enfoncer beaucoup plus profondément dans la secte en entendant des tirades où l’on emploie à tort et à travers les mots  » secte  » et  » lavage de cerveau « . Ainsi, en évitant d’employer ces mots nous maintiendrons une relation de confiance permettant de recueillir des informations : plus on obtient d’informations sur le groupe, mieux on saura ce qu’éprouve l’adepte.
Loin d’être une mission impossible, il est difficile de sortir d’une secte puisque tout y est organisé pour garder les adeptes : la séduction et la survalorisation, l’anesthésie de l’esprit critique et de la personnalité (présentées comme indispensables pour se rapprocher de Dieu, ou pour atteindre un grand but altruiste), les ruptures favorisées, une discipline rigoureuse, de sévères punitions, la crainte du monde extérieur…

Grâce à sa volonté et à l’appui de son entourage, l’adepte s’éloignera peu à peu de la secte. Néanmoins, prêt à ne pas lâcher prise, le groupe peut tout essayer afin de le relancer : on lui reprochera de trahir l’amitié et d’être ingrat. Aussi, l’ancien adepte recevra des avertissements pouvant aller jusqu’à des menaces de représailles physiques contre lui-même et sa famille. De même, il pourra subir des chantages ayant pour objet de ruiner sa réputation et subir des campagnes de harcèlement téléphonique. Il ne faut pas en tenir compte. Nous vivons en démocratie. Si les gourous s’en prenaient réellement à tous ceux qui les quittent, ils seraient vite inculpés, et ce n’est pas ce qu’ils cherchent. Ils essaient d’avoir l’ancien adepte au bluff. Mais, sachez que si la pression persiste, vous pouvez riposter en accumulant quelques preuves écrites et en menaçant de porter plainte ou de communiquer ce dossier à la presse. Ces quelques marques de détermination sont généralement suffisantes pour dissuader les gourous, et les persuader que leur intérêt se trouve ailleurs.