La plate-forme de signalements des candidats au djihadisme, mise en place par le ministère de l’Intérieur et le centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam (CPDSI) font le bilan après quelques mois d’activité.
Activée depuis cinq mois, la plate-forme de signalements du ministère de l’Intérieur a recensé 283 cas grâce au numéro vert1 et 104 sur Internet. Parmi ces candidats au départ en Syrie figurent 95 mineurs (soit près d’un tiers des signalements) et 167 femmes dont la représentativité progresse régulièrement. La moitié de ces profils sont des convertis. Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, a confié aux préfectures le soin d’instaurer leurs prises en charge au « cas par cas ». Il a précisé que 40% des jeunes français partis se battre en Syrie sont morts au combat.
Le centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam (CPDSI) tire également les conclusions de ses premiers mois d’activité. Dounia Bouzar2, à l’initiative de ce centre, constate que n’importe quel jeune peut aujourd’hui basculer vers le djihad. Agés de 14 à 21 ans, ils viennent de tous les milieux sociaux. Sur les 120 demandes d’aide reçues, 80% des jeunes sont issus de familles athées et 70% d’entre eux n’ont aucun lien avec l’immigration. Dounia Bouzar regrette cependant que les familles des quartiers populaires peinent à demander de l’aide.
Le centre a établi une gradation de la radicalisation autour de quatre indicateurs : rupture avec les amis, rupture sociale, scolaire et familiale.
Le basculement naît de la rencontre entre un jeune qui se pose des questions sur l’injustice et un discours qui le transforme en sauveur de l’humanité.
L’exaltation de groupe est d’abord virtuelle, la première rencontre physique avec un djihadiste n’aura lieu qu’en Syrie.
La stratégie de communication des recruteurs est très bien rôdée, en jouant la carte de l’humanitaire, ils touchent de plus en plus de jeunes filles. Sur des vidéos, on peut apercevoir des hommes vêtus de noir tenant dans les bras des chatons pour attendrir les adolescentes. En utilisant des sites internet, Facebook, les images subliminales des jeux vidéo, des « pro » de la communication déversent des discours enjôleurs propres aux techniques d’endoctrinement des sectes.
Il paraît essentiel de bloquer le départ de l’adolescent en lui interdisant la sortie du territoire. Il faut surtout ne pas chercher à le raisonner car cela ne ferait que renforcer l’autorité des recruteurs. Il faut également le remobiliser en tant qu’individu, ce que les radicaux ont cherché à gommer.
Si les garçons parviennent à fuir la Syrie, les filles sont immédiatement séquestrées. A ce jour, on compte une vingtaine de jeunes françaises dans ce cas.
Ceux qui ont été stoppés à temps n’ont pas pour autant fini leur calvaire : « il faut leur faire comprendre qu’ils ont été bernés » par ceux qu’ils s’apprêtaient à suivre aveuglément et qui sont en fait des « exterminateurs ».
(1) N° Vert de la plateforme : 0 800 005 696
(2) Ils cherchent le paradis, ils ont trouvé l’enfer, Dounia Bouzar, Edition de l’Atelier, 9 octobre 2014.
Sources : La République, 13.09.2014 & Francetvinfo, 15.09.2014 & Le Figaro, 26.09.2014