
En France, les églises évangéliques qui rassemblent environ 745 000 pratiquants répartis dans 2 546 lieux de culte, font face à des critiques croissantes. D’anciens fidèles dénoncent des pratiques de contrôle social, une minimisation des violences sexuelles et un discours oppressif, notamment envers les femmes.
Hugo Albandea, ancien pasteur, relate les pressions exercées sur les jeunes : « Les pasteurs scrutaient notre vie sexuelle et affective », explique-t-il. Heliena, une autre ex-fidèle, dénonce la banalisation du viol conjugal dans des réunions entre femmes : « Les pasteurs nous disaient que nous devions obéissance à notre mari ». Ces récits sont corroborés par Laurie, qui parle d’une « dépersonnalisation ». Elle dit « ne pas avoir vécu ce qu’on me promettait ». Ces témoignages, recueillis via le compte Instagram #BalanceTonPasteur, pointent des mécanismes d’emprise psychologique et sociale.
La Miviludes reconnaît une montée en puissance des signalements. En 2021, sur 4 020 saisines, 293 concernaient les mouvements chrétiens, dont 153 visaient la mouvance évangélique. Des pratiques comme « l’exigence de dons importants » ou des « discours sexualisés » ont été signalées. Le rapport précise néanmoins que la plupart des églises concernées ne sont pas rattachées aux grandes fédérations que sont le CNEF et la Fédération Protestante de France. Mais trois ans plus tard, la vigilance demeure. « Le développement des églises évangéliques est une préoccupation nationale, expliquait Donatien le Vaillant, responsable de la Miviludes, lors d’une prise de parole en octobre dernier. « L’essor de dérives en leur sein est régulièrement porté à notre connaissance », a-t-il ajouté. Une hausse globale que confirme le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), qui ne transmet cependant pas de chiffres.
Le CNEF reconnaît « qu’il faut rester vigilant »
Certaines églises, comme Impact Centre Chrétien (ICC), sont particulièrement visées. Judith, ex-membre, décrit « des pressions financières intenses » et dénonce « l’inconséquence de la hiérarchie face à ses accusations ». Elle raconte que sa tutrice lui aurait dit « que Dieu fera justice ». Mais personne ne l’a accompagnée ou lui a conseillé de porter plainte. Contacté, le pasteur Yvan Castanou a, dans un premier temps, minimisé les faits. Puis il a fait preuve d’empathie et a présenté des excuses.
Face à ces dérives, le Conseil national des évangéliques de France (CNEF) reconnaît la nécessité de rester attentif. Romain Choisnet, son porte-parole, souligne qu’il faut continuer la sensibilisation et la prévention, « d’autant que la marge de manœuvre des fédérations est faible puisqu’elles n’occupent pas un rôle formel d’autorité ». Le CNEF a néanmoins lancé la plateforme Stop Abus, service d’écoute à destination des personnes victimes ou témoins de violences sexuelles et sexistes au sein de l’Église et il s’autorise à interpeller ses membres s’il a connaissance d’un fait de dérive en leur sein. « Notre doctrine contient des pierres d’achoppement qui peuvent mener à des dérives sectaires », estime avec lucidité Romain Choisnet. « La frontière entre un pasteur qui structure la vie de ses fidèles et un pasteur qui les manipule est fine. Voilà pourquoi il faut aussi remettre en question ce que dit son pasteur ».
(Sources : Mediapart & Radio France, 05.12.2024)
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