Le phénomène des « megachurch », ces églises géantes proposant des prêches aux allures de show, semble se développer en France. A Créteil, la récente église Martin-Luther-King (MLK) attire ainsi plus de 4000 fidèles chaque week-end.
Au bord de la nationale 406, en périphérie de Créteil, trône un vaste complexe de 6000 m2. Derrière la façade en verre, un auditorium, un restaurant, une crèche et une salle de sport entre autres. Contrairement aux apparences, il ne s’agit pas d’un palais des congrès mais de l’église Martin-Luther-King (MLK), l’une des 7 « megachurch » établies en France.
Chaque week-end, entre 4 000 et 5 000 personnes viennent ici pour assister à l’une des cinq célébrations, caractérisées par une ambiance moderne et rythmée, mêlant prédication, musique et spectacles.
Ces églises géantes, comme il en existe aux États-Unis depuis les années 1970, se développent en France depuis une vingtaine d’années. Il en existe aujourd’hui cinq en Île-de-France, une à Bordeaux et une à Mulhouse. « Leur émergence répond à des changements sociétaux », souligne Sébastien Fath, historien, chercheur au CNRS, spécialisé dans l’étude du protestantisme évangélique. « La méga église est liée au contexte urbain d’aujourd’hui, à la manière des petits cinémas qui sont remplacés par des multiplexes ». Ces églises accompagnent aussi un mouvement plus profond : l’essor de la religion évangélique en France et dans le monde. Selon le CNEF (Conseil National des Evangéliques de France), qui regroupe 32 des 45 unions d’églises évangéliques que compte le pays, on estime à plus d’un million le nombre de personnes se déclarant évangéliques dans le pays, dont 750 000 pratiquants réguliers.
Modèle économique atypique
Dans cette église de Créteil, l’entrée est gratuite mais une inscription est nécessaire. Des bénévoles contrôlent les sacs et scannent les billets. Ils sont une centaine, reconnaissables à leur T-shirt noir estampillé MLK. Ils sont chargés de l’accueil et de la sécurité mais aussi de la garderie et de l’animation auprès des enfants qui peuvent participer à une forme de catéchisme pendant que les adultes se réunissent dans l’auditorium. C’est dans cet espace de 1200 m2, avec 1500 places assises et des écrans géants, que prêche le pasteur Ivan Carluer. Sur scène, il est accompagné de musiciens. Ses prestations sont enregistrées pour être diffusées sur YouTube. En moyenne, plus de 40 000 personnes les regardent en différé sur la plateforme vidéo. Chaque week-end, le pasteur invite une personnalité et les thèmes abordés durant l’homélie se veulent en phase avec les préoccupations des gens. Ivan Carluer n’hésite pas à utiliser l’humour. Le ton est tonique et le vocabulaire simple. « Les traditions sont complètement repensées pour pouvoir être audibles pour quelqu’un d’agnostique en 2024 », explique le pasteur. Et les fidèles interrogés apprécient. « Le message est à portée de tout le monde. Qu’on soit dans la foi, qu’on y arrive, c’est accessible. On peut mettre en pratique au quotidien. Ce n’est pas juste théorique », confie ainsi Maylanie, 40 ans. Les jeunes sont séduits par cette sorte de talk-show. Ici, la moyenne d’âge est de 26 ans.
Les célébrations se terminent par un appel aux dons. Ils représentent une des principales sources de financement de l’église. Pour compléter ses revenus, MLK loue ses locaux à d’autres organisations ou particuliers en dehors des heures de culte. Le modèle économique est atypique. Si certaines « megachurch » françaises ont fait l’objet de signalements auprès de la Miviludes, pour leurs exigences financières et aussi pour leur prosélytisme, MLK, pour sa part, se dit transparente.
(Source : Ouest-France, 02.04.2024)
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