La secte : structure dogmatique de type étatique.

Jean Pierre Jougla, Avoué, administrateur de l’UNADFI.

La secte quelle que soit sa taille peut être considérée comme une structure dogmatique de type étatique.

La secte est un véritable « micro Etat » organisé et administré littéralement par un gouvernement qui lui est propre. Cette dimension, qui n’apparaît pas au premier abord, sauf dans quelques sectes comme la secte japonaise « Aoum de la vérité suprême », secte connue pour avoir utilisé criminellement le gaz sarin dans le métro de Tokyo, qui était allée jusqu’à constituer son propre gouvernement, devient évidente si l’on analyse de façon approfondie le mode de fonctionnement réel de l’institution sectaire.

Structure étatique car la secte possède tous les attributs constitutifs d’un Etat ce qui légitime aux yeux des adeptes d’une part la souveraineté du gourou et d’autre part sa prévalence sur la société profane.

Ces attributs régaliens s’articulent autour de quelques notions :

– Des pouvoirs gouvernementaux
Tout citoyen sait, depuis Montesquieu, la garantie que représente pour le respect des libertés la séparation des pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires.
Or, le gourou cumule entre ses mains ces trois pouvoirs constitutifs de tout groupe social, en vue de posséder la souveraineté absolue sur la micro société qu’est la secte.

Législatif : le gourou, générateur des normes internes, édicte ses propres lois qui vont, selon les sectes être plus ou moins élaborées. De surcroît, le système législatif sectaire dénie à la loi de la société toute valeur.

Exécutif : Le gourou se charge lui-même d’appliquer ses lois à l’intérieur du groupe qu’il dirige.

Judiciaire : c’est le gourou lui-même qui sanctionne tout manquement à la norme.

– Un territoire soit réel et cadastralement délimité, soit symbolique c’est-à-dire alors un lieu « énergétique », « vibratoire », dont la pureté est à protéger derrière des frontières devenant peu à peu pour l’adepte des murs d’enfermement.

– Un peuple constitué par le groupe d’adeptes cimenté autour d’une conviction élitiste.

– Un leader, le gourou qui est le chef omniscient, omnipotent, omniprésent et ce qu’il soit vivant ou mort.

Au nombre de ces éléments constitutifs des attributs régaliens de ces micro Etats, on peut trouver selon les sectes :

– Une langue propre (une novlangue orwéllienne) ;
– Un état civil (chaque adepte reçoit un nouveau nom)
– Une filiation et une généalogie, souvent fondées sur des liens karmiques
– Un système éducatif pour les enfants
– Un enseignement pour les adeptes adultes
– Un système médical
– Une histoire mythique collective distribuant à chacun un rôle prédestiné incluant l’hagiographie du gourou
– Une esthétique stéréotypée la plupart du temps d’une pauvreté affligeante
– Une culture (stérilisée et stérilisante)

Cette structure étatique hégémonique que constitue la secte contemporaine est dirigée par une autorité absolue auto proclamée, le gourou, qui se dit investi d’une connaissance « supérieure », chargé d’une « mission divine » pour laquelle il s’est incarné sur terre. Cette autorité dirigeante est non contrôlée puisqu’elle ne connaît aucun contre pouvoir intérieur rendu impossible du fait de la confusion des pouvoirs entre les mains du gourou. Cette absence de séparation des pouvoirs à l’intérieur du groupe sectaire (législatif, exécutif et judiciaire) fait du gourou un leader totalitaire incontesté et incontestable. C’est ce pouvoir absolu, exercé par une seule personne, qui caractérise une des principales composantes de la notion de gourou et de secte.
Mais la structure étatique hégémonique que constitue la secte ne pourrait exister si le groupe qu’elle dirige n’était mu par un projet utopique. Le projet utopique sectaire, véritable ciment groupal, fait croire à chaque adepte qu’après avoir éradiqué l’impur, le bien (la secte) gagnera sur le mal (le monde extérieur incroyant). Alors pourra commencer la réalisation du paradis sur terre dans lequel ne subsisteraient plus que les élus choisis par la secte.
Ce projet utopique a pour objectif la création d’un « surhomme idéal », sans ego, doté de pouvoirs supra humains (visant à imiter ceux que prétend posséder le gourou) et capable d’exécuter à la perfection les consignes supérieures (ne plus exister que comme pseudopode du système central) pour servir l’idéal enseigné par le gourou.
Ce projet utopique a également pour objectif la création d’une société fantasmée que le gourou, « dieu » incarné sur terre, régente. Il s’agit d’une société idéale, de type science fiction, organisée selon un modèle prédéterminé composé de sujets dociles, obéissants et robotisés qui appliqueront à la lettre les fantasmes édictés par le gourou.