
La Miviludes a publié son rapport ce 8 avril. Les signalements ont doublé depuis 2015. Et selon le président Etienne Apaire, « les faits commis par les gourous sont de plus en plus graves ».
Le constat est alarmant. 4571 signalements ont été enregistrés par la Miviludes en 2024, contre 2160 en 2015, soit une hausse de 111 % ! Le rapport de 285 pages, couvrant la période 2022 – 2024, montre que les dérives sectaires dans le domaine de la santé et du bien-être sont désormais les plus importantes avec 35 % des saisines devant les cultes, tous confondus, qui représentent 34 % des saisines. Dans ce domaine, on note une hausse sensible des signalements concernant les églises évangéliques. Arrive ensuite le secteur des formations, de l’emploi et des finances (13 %) puis du complotisme et du séparatisme (5 %). Aucun domaine n’est épargné : « Les faits d’emprise sectaire s’invitent dans tous les aspects de la vie quotidienne », note le rapport. Et sur l’ensemble du territoire, dans les zones urbaines, rurales, métropolitaines et d’Outre-mer. Le public jeune constitue une cible particulièrement vulnérable : 19 % des signalements reçus en 2023 et 2024 concernent des situations impliquant des mineurs. Le nombre de faits graves, c’est-à-dire ayant fait l’objet de signalements au parquet, a lui aussi explosé, passant de 20 en 2021 à 45 en 2024.
Une évolution préoccupante
Étienne Apaire, président de la Miviludes, explique que cette évolution des pratiques sectaires est préoccupante parce qu’elle est marquée par un glissement vers des formes insidieuses de charlatanisme. « Les signalements liés à des promesses de guérison de maladies graves, comme le cancer, surpassent désormais ceux touchant aux cultes religieux. Des pratiques comme l’urinothérapie ou le crudivorisme sont proposées comme alternatives aux traitements médicaux, au détriment des patients ». Selon lui, « ces dérives s’inscrivent dans un climat post-Covid où la défiance envers la médecine conventionnelle a été exacerbée par des discours complotistes ».
On note aussi de nouveaux business avec la recrudescence de pseudothérapeutes ciblant le vieillissement, les mères épuisées ou encore la santé mentale, à grand renfort de pratiques imaginaires. Certaines pratiques sont osées mais les escrocs n’ont pas froid aux yeux parce que « vivre plus et mieux, c’est le souhait de tout le monde, la longévité est devenue un appât », souligne Tristan Mendès France, expert dans les nouvelles cultures numériques et chroniqueur à Complorama entre autres.
Sophistication des méthodes d’emprise
De manière énérale, Étienne Apaire alerte sur lasophistication croissante des méthodes d’emprise utilisées par les gourous. Il y a de grands prédateurs, et d’autres, de proximité. Le diable peut se cacher derrière un sourire avenant. Ils ont en commun la méthode : séduction, isolement, puis contrôle, que ce soit dans le cadre du bien-être, de la religion ou du coaching. Et au final : des promesses non tenues mais un coût certain pour les victimes. Internet et les téléphones portables sont devenus une arme terrible pour les charlatans. Certains gourous ne sortent même jamais de leur sphère virtuelle. Ils entraînent les cibles dans des réseaux afin de susciter leur engagement et les enfermer dans une bulle, qui peut devenir lucrative pour le créateur de contenus.
Le président de la Miviludes rappelle que tout individu, quelle que soit sa situation sociale, peut être victime de ces mécanismes, particulièrement en période de fragilité. C’est pourquoi la Mission privilégie aujourd’hui l’analyse des comportements plutôt que celle des mouvements, évitant de dresser des listes susceptibles de provoquer des poursuites judiciaires de la part des groupes visés.
Prise de conscience de l’État
Alors que la nouvelle loi de 2024 introduit un délit de provocation à l’abandon de soin, Étienne Apaire estime que l’arsenal législatif progresse, mais reste tributaire de l’engagement des associations et services publics. Il appelle à renforcer les moyens humains de la mission, notant toutefois des avancées : « les effectifs ont augmenté, les formations se sont multipliées, et la coopération avec les préfectures et l’Éducation nationale permet de repérer des signaux d’alerte dès l’école ».
Le ministre François-Noël Buffet estime que ce rapport « sonne comme une véritable alerte ». Il a rappelé que « la lutte contre les dérives sectaires était une priorité du gouvernement » ajoutant que « dans le cadre de la stratégie nationale, l’enjeu principal pour 2025 sera de déployer des instances départementales dédiées » et de sensibiliser les maires qui peuvent être un relais pour la population. La Miviludes a ainsi annoncé travailler à un guide pédagogique à destination des collectivités. L’Unadfi et les associations historiques de lutte contre les dérives sectaires, présentes lors de la présentation de ce rapport à l’Hôtel de Beauvau, saluent « l’intérêt sans cesse renouvelé de l’État » pour protéger les citoyens de ce fléau.
(Sources : Le Parisien, 07.04.2025 ; Le Figaro & Midi Libre & L’Express & Ministère de l’Intérieur & Unadfi & Maires de France, 08.04.2025)
A lire aussi : Le rapport complet d’activité 2022 – 2024 de la Miviludes : https://www.miviludes.interieur.gouv.fr/missions/actualites/rapport-dactivit%C3%A9-2022-2024-des-signalements-en-hausse
A lire aussi sur le site de l’Unadfi : La loi pour mieux lutter contre les dérives sectaires définitivement adoptée : https://www.unadfi.org/prevention/droit-et-institutions/legislation/france/la-loi-pour-mieux-lutter-contre-les-derives-sectaires-definitivement-adoptee/