En Corse, une croix de village attise le débat 

Le petit village de Quasquara, 60 habitants nichés dans le sud de la Corse, est devenu malgré lui le symbole d’un affrontement entre laïcité républicaine et identité insulaire. Le 10 octobre 2025, au nom du principe de laïcité et de la loi de 1905, le tribunal administratif de Bastia a ordonné le retrait d’une croix chrétienne en bois érigée en 2022 à l’entrée du village.

À l’origine de la plainte, une habitante du village, qui estime que le monument religieux n’a pas sa place sur un terrain public. Le juge lui a donné raison. Il a rappelé que « seuls les symboles antérieurs à 1905 peuvent être maintenus dans l’espace public ». Le maire doit désormais retirer ou déplacer la croix sous peine de sanctions.

Mais la décision a rapidement pris une ampleur nationale, attisant les tensions autour de la laïcité et de l’identité corse. Sur l’île, les réactions ont été vives. La plaignante a été menacée, des banderoles hostiles ont été brandies et une pétition en faveur du maintien du symbole a recueilli plus de 42 000 signatures.

Pour de nombreux Corses, le christianisme reste indissociable de la culture locale. Le président autonomiste, Gilles Simeoni, a dénoncé une « interprétation rigide et conflictuelle », appelant à une « laïcité à la corse ». Les lycéens de Sartène, Corte et Bastia ont également manifesté leur soutien au nom d’une « Terra corsa, terra cristiani ».

L’affaire a surtout été récupérée par l’extrême droite, qui en a fait un symbole de défense de l’identité européenne et chrétienne. Le mouvement Palatinu, le Rassemblement national et l’Union des droites pour la République (UDR) d’Éric Ciotti ont même choisi Quasquara pour officialiser leur alliance en vue des municipales de 2026.

Sur les réseaux sociaux, des fake news ont amplifié les tensions. Une vidéo virale affirme que la plaignante est musulmane et étrangère au village… Une fausse information, puisqu’il s’agit en réalité d’une octogénaire résidente de longue date, agissant « au nom de la laïcité ». Face à la récupération politique, l’évêque d’Ajaccio, le cardinal Bustillo, a appelé à la retenue. « La croix, on la sert, on ne s’en sert pas », martèle-t-il.  

(Source : Humanité, 22.10.2025)

  • Auteur : Unadfi