Traitement juridique de l’allégation sectaire

Le traitement juridique de l’allégation sectaire constitue une réelle difficulté tant pour les victimes que pour les différents acteurs qui sont amenés à les accompagner : associations d’aides aux victimes, agents ou officiers de police judiciaire, procureurs, magistrats instructeurs, etc.
 

Recueil et consignation des faits

En règle générale, l’énoncé des faits relève d’une épreuve psychologique difficile pour la victime. A cette étape et dans la spécialisation qui nous concerne, l’écoute, le soutien et l’accompagnement psychologique par des professionnels initiés au phénomène sectaire sont facilitateurs de la parole et donc de la révélation des faits. Le recueil et la consignation des faits constituent un exercice fondamental et déterminant pour la portée du signalement [1]
ou de la plainte. En effet, la transcription rigoureuse et objective du témoignage de la victime préserve non seulement d’un éventuel classement sans suite au niveau du Parquet [2] , mais également du risque de poursuite pour dénonciation calomnieuse [3] . La rédaction des propos de la victime (ancien adepte ou famille de l’adepte) et l’analyse des faits doivent être les plus exploitables possible. Elle facilite le travail des enquêteurs et des magistrats chargés du traitement judiciaire de l’allégation sectaire.
 

L’arsenal juridique

La circulaire de Jean-Pierre Raffarin du 27 mai 2005, toujours en vigueur, renvoie à une liste de critères pour évaluer la « dangerosité » d’un groupe. L’arsenal juridique à la disposition des enquêteurs judiciaires et des magistrats est pour le moins fourni. Des atteintes aux personnes aux infractions financières en passant par les atteintes aux professions strictement réglementées, les textes sont pléthores et permettent d’appréhender les dérives sectaires sous de nombreux aspects. Bien que cette circulaire ait donné ordre aux parquets généraux de ne plus se prévaloir de la liste des sectes dangereuses, publiée dans le rapport parlementaire de 1995 [4] ni de constituer une liste des mouvements dangereux, le traitement judiciaire de l’allégation sectaire s’inscrit aujourd’hui dans une volonté du ministère de la justice de développer sa politique pénale autour des dérives sectaires.
 

Les dispositifs spécialisés

Du constat que le phénomène sectaire reste encore insuffisamment connu ou maîtrisé par les acteurs de la justice, la politique criminelle à l’encontre des groupes déviants à caractère sectaire s’appuie aujourd’hui sur 3 dispositifs :

La mise en place d’expert « référents ». Ainsi, afin de mieux diagnostiquer les situations d’emprises sectaires et discerner les problématiques qu’elles entraînent, des référents « sectes » dotés d’un rôle d’observation, d’analyse, de conseil et d’alerte, ont été mis en place à différents niveaux de l’administration centrale de la justice :

– à la Protection judiciaire de la Jeunesse au titre de la protection des mineurs.

– au sein du Bureau d’Aide aux victimes et de la vie associative.

– au niveau de chaque Parquet Général (Il est d’ailleurs possible d’écrire au Parquet pour connaître le nom du Procureur général sur la juridiction locale).

L’organisation d’actions de formation spécialisées à destination des acteurs judiciaires. L’Ecole nationale de la magistrature, pour sa part, a mis en place des sessions de formation à destination des magistrats.

Le développement d’une méthode affinée pour le traitement judiciaire des allégations sectaires, par les juridictions pénales.
 

Les obstacles

Malgré la volonté du ministère de la justice et les dispositifs mis en place, il réside, dans les faits, nombre d’obstacles liés à :

•la méconnaissance du phénomène sectaire par les acteurs de la justice,

•la vulnérabilité de la victime et à sa détermination dans le cheminement de sa plainte,

•la qualification pénale des faits,

•la prescription des faits,

•la consolidation des preuves,

•la régularité de la procédure pénale mise en œuvre par les parties.

Pour franchir avec le maximum de succès l’ensemble de ces obstacles, la bonne gestion de l’allégation sectaire nécessite une approche pluridisciplinaire, une bonne coordination des différents acteurs et des canevas méthodologiques à l’épreuve des contestations possibles.

[1] Le signalement est obligatoire dans certains cas expressément prévus par la loi. En effet, dans le cas où l’intégrité d’une ou plusieurs personnes est atteinte ou menacée, le signalement est imposé :
• aux fonctionnaires en vertu de l’article 40 du Code de procédure pénale
• à tout citoyen en vertu des articles 434-1, 434-3 et 223-6 du Code pénal.
[2] Classement sans suite pour insuffisance d’éléments caractéristiques d’une infraction.
[3] Lorsque la procédure pénale est engagée et que les faits dénoncés sont erronés, leur inexactitude peut conduire non seulement à un non-lieu mais également à la poursuite de l’auteur du signalement pour dénonciation calomnieuse.
[4] ce rapport a une valeur consultative et non juridique