Kevin Lloyd un ancien employé de Google, a déposé plainte devant la Cour supérieure de Californie contre Google pour licenciement abusif, discrimination, représailles et préjudice psychologique. L’homme engagé en 2017 chez Google Developer Studio (GDS), a été licencié en février 2021 après avoir dénoncé l’influence d’employés liés à l’organisation spirituelle Fellowship of Friends, qualifiée de sectaire par de nombreux spécialistes.
Kevin Lloyd s’était alarmé du fait que Google ait pu être impliqué et avoir soutenu financièrement une organisation décrite comme une « secte destructrice, avec un leader qui fait de fausses prophéties sur la fin du monde ». Il a également porté plainte contre Advanced Systems Group (ASG), la société qui l’avait engagé pour GDS.
Dans sa plainte Lloyd rapporte qu’au moins 12 des 25 employés de sa division, dont son directeur Peter Lubbers, étaient membres de Fellowship of friends. Il affirme aussi que leur appartenance au groupe aurait favorisé leur embauche et des promotions internes. Presque tous sont des employés à temps partiel recrutés par ASG, ce qui leur a évité les contrôles rigoureux appliqués habituellement par Google lors de l’embauche de ses employés à temps plein. Selon le plaignant, d’autres membres du groupe ont été engagés lors d’évènements organisés par Google, comme une masseuse, un photographe ou un DJ qui n’était autre que le fils de Peter Lubbers. Google achetait également fréquemment du vin de Grant Marie, une cave appartenant à un membre du groupe.
Si Peter Lubbers se défend d’avoir favorisé les membres de Fellowship au sein de GDS, il n’en n’est pourtant pas à son coup d’essai. En 2008 Lynn Noyes, une employée de la société de recrutement Kelly Services où travaillait Peter Lubbers, a touché 6,5 millions de dollars de dommages et intérêts dans une action similaire à celle menée par Kevin Llyod : elle accusait l’entreprise d’avoir refusé de la promouvoir car elle n’était pas membre de la Fellowship.
Google prend l’affaire très au sérieux. Courtenay Mencini, son porte-parole, précise qu’il « est contraire à la loi de demander l’appartenance religieuse » de ceux qui travaillent pour la firme, il ajoutant : « Si nous trouvons des preuves de violations des politiques, nous prendrons des mesures ».
Fellowship of friend, dont il est question dans la plainte de Kevin Llyod, a été fondé en 1970 par Robert Earl Burton, un ancien instituteur. D’envergure mondiale, le mouvement compterait environ 1500 membres dont 500 à 600 autour de son siège situé à Oregon House (Californie).
L’enseignement propose un travail spirituel d’éveil basé sur la Quatrième voie, une « philosophie » inventée par Gurdjieff et son maitre Oupensky. Il postule que « si la plupart des gens traversaient la vie dans un état de « sommeil éveillé », une conscience plus élevée serait possible ». Pour Burton cet état de conscience est accessible en s’entourant « d’impressions supérieures » comme l’art. Ainsi le centre d’Oregon House, appelé Appollo, a vu naître des opéras, des ballets, des pièces de théâtre et abrite une importante collection d’œuvres d’art, dont plus de onze millions de dollars d’antiquités chinoises vendues aux enchères.
Derrière la façade clinquante se cache aussi une réalité plus sordide. Plusieurs anciens membres qui ont témoigné dans un podcast intitulé Révélations, en écoute sur Spotify depuis 2021, ont accusé Burton d’abus sexuels. Selon le journaliste d’investigation auteur du podcast, les adeptes lui ont parlé de « rituels sexuels où [le leader] tentait d’avoir des relations sexuelles avec 100 adeptes en une journée ». « Il les appelait les fêtes de l’amour ».
Surnommé « The Teacher » ou « Our Beloved Teacher » par ses adeptes, Burton a été l’objet de deux plaintes pour abus sexuel en 1984 et en 1986. Dans les deux cas, de jeunes hommes l’accusaient d’avoir abusé d’eux, pour l’un lorsqu’il était mineur. Les deux poursuites ont été réglées par un arrangement amiable.
(Sources : New York Times, 16.06.2022 & Meaww, 24.06.2022)