Les Zombies

Note de lecture

Philippe Charlier et Richard Guérineau, Les Zombies, éd. Lombard 2017, coll. Petite bédéthèque des savoirs

 
La Petite bédéthèque des savoirs, aux éditions du Lombard, est une collection originale de bandes dessinées instructives, exigeantes, qui met en relation des auteurs de bande dessinée aguerris et des scientifiques réputés dans leur domaine, comme par exemple Hubert Reeves, pour l’Univers, ou Bernard Séret pour les requins.

Un des tomes les plus surprenants de la collection est sans doute Les Zombies, par le docteur Philippe Charlier, médecin légiste à l’hôpital Raymond Poincaré à Garches, et Richard Guérineau, auteur de bandes dessinées fantastiques.

Le livre ne s’appesantit pas sur le mythe cinématographique moderne du Zombie et entre rapidement dans le vif du sujet, à savoir la réalité des pratiques Vaudou en Haïti et la zombification, qui en est l’aspect le plus spectaculaire. La première surprise qui attend le lecteur profane, c’est la découverte d’un phénomène qui ne relève en aucun cas de la fiction (même s’il est soutenu par une mythologie fictionnelle) et qui, seconde surprise, n’est sérieusement étudié par la communauté scientifique que depuis les années 1980, grâce aux efforts du grand maître vaudou Max Beauvoir et de l’anthropologue canadien Wade Davis.

La zombification se fait en plusieurs étapes. D’abord, la personne est empoisonnée par un bokor, un sorcier, à l’aide d’une substance psychotrope dérivée du tétradon, le poisson-ballon connu sous le nom fugu au Japon. La substance est ingérée sous forme d’aliment, de boisson, ou administrée par contact, sous forme de poudre. Chaque prêtre vaudou a ses secrets de fabrication et l’opération n’est pas sans danger. Le but de la manoeuvre est de donner à la victime l’apparence d’un mort. Plongé en catalepsie, ses fonctions vitales ralenties, le futur zombie est, selon certains témoignages, conscient de tout ce qui lui arrive, entendant notamment les pelletées de terre tomber sur son cercueil et sans doute convaincu d’être effectivement décédé. Après son inhumation, il est rapidement extrait de son caveau et emmené. Soumis à un traitement alimentaire précis (qui exclut notamment le sel), il devient un esclave privé de volonté mais aussi de droits puisqu’il est légalement décédé. Ce n’est pas pour sa force de travail que le zombie est forgé, c’est en général par punition ou par vengeance. Certaines personnes restent des zombies pendant des décennies mais parviennent à retrouver le monde des vivants, soit parce qu’elles ont accidentellement ingéré du sel ou parce qu’elles ont été reconnues par des proches. L’ancien zombie vit alors avec un statut juridique complexe. Évidemment punie par la loi, la zombification vaudou n’en est pas moins une pratique installée et fortement liée à l’histoire politique du pays.

Concis, documenté, cet ouvrage constitue une bonne introduction à ce sujet fascinant auquel Philippe Charler a consacré un autre ouvrage, Zombis : Enquête sur les morts vivants, éd. Tallandier 2015.

  • Auteur : Jean-Noël Lafargue, Unadfi, Bulles N° 137, mars 2018
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