La société actuelle favorise les dérives sectaires

Depuis la pandémie de Covid-19, les signalements à la Miviludes sont en constante augmentation. Ce qui soulève des questions sur notre époque et notre propension à nous laisser influencer. Dans une interview accordée à Charlie Hebdo, le professeur de psychologie cognitive, Thierry Ripoll, livre des éclaircissements sur les mécanismes qui poussent à croire.

En préambule, Thierry Ripoll rappelle que la croyance est inhérente à l’intelligence humaine. Ce sont nos capacités cognitives qui permettent de donner un sens au monde qui nous entoure. Les croyances sont donc une nécessité. Mais au niveau physiologique ou neuronal, nous ne savons pas encore comment les croyances fonctionnent. On sait en revanche que le stress ou le sentiment de perte de contrôle jouent un rôle important. « Le sentiment de vulnérabilité est souvent associé avec l’activation d’une zone du cerveau qui s’appelle le cortex cingulaire et un état psychique pas forcément agréable. Les croyances permettent de diminuer l’activité du cortex. Croire en quelque chose apaise ». Et entre une croyance religieuse et une croyance sectaire, il n’y aurait pas de différence sur le plan cognitif. La différence serait plus sociale et culturelle. « Ce qui ne veut pas dire que toutes les croyances se valent » précise Thierry Ripoll. « En cas d’emprise sectaire, vont se greffer à la croyance d’autres éléments susceptibles de mettre le sujet en danger ».

Une personne qui a tendance à croire, de manière générale, peut croire en des choses anodines comme en d’autres plus curieuses. On l’observe dans le cadre du complotisme par exemple. Pour Thierry Ripoll, « une personne ne croit jamais à une seule théorie, elle croit en plusieurs ». Dans le cadre de dérives sectaires, le professeur affirme qu’au départ, « vous ne connaissez pas grand-chose de la secte, juste ce qui vous plaît. Et pour être cohérent dans votre engagement, vous allez être amené à croire des choses de plus en plus hallucinantes ».

Certaines personnes seraient plus enclines que d’autres à sombrer. Mais surtout, la société actuelle nous rendrait plus perméable à croire tout et n’importe quoi.  « D’un point de vue sociétal et politique, la situation est très favorable aux dérives sectaires. Nous vivons dans une société hyper stressante, avec les risques géopolitiques et environnementaux que l’on connaît. Il y a un sentiment de perte de contrôle, la société est en perte de repères ». Et d’insister : « la valeur que l’on accorde à la science a décru depuis pas mal d’années parce que l’on s’est rendu compte que la science et l’innovation technologique pouvaient être problématiques. Mais quand les gens rejettent la science, ils vont naturellement se tourner vers des concepts bidons, des vérités alternatives qui accordent une place énorme aux croyances de tous types ».   

(Source : Charlie Hebdo, 12.03.2024)

  • Auteur : Unadfi