La vision new age de la féminité sert-elle vraiment la cause des femmes ?

Porté par l’attrait de nombreuses jeunes femmes pour la sorcellerie, un nouveau féminisme se fait jour. Partant de l’idée supposée que les premières sociétés auraient été matriarcales, les femmes qui auraient eu à l’époque la responsabilité du soin, revendiquent aujourd’hui ce pouvoir confisqué par les hommes.

Pour elles, la sorcellerie est une voie d’autonomisation, « un marqueur identitaire fort, fédérateur et… lucratif » explique le journaliste Jean-Loup Adenor pour Marianne. Proposant une approche « magique du bien-être », ces nouvelles sorcières empruntent au new age, à l’occultisme, à la voyance, aux pseudo thérapies, au chamanisme les rites qu’elles affichent sur les réseaux sociaux. « C’est un syncrétisme qui fait souvent référence à l’intuition comme étant la source la plus fiable de connaissance du monde, aux dépens d’un raisonnement analytique » analyse Mathieu Repiquet du collectif No Fake Med.

Les plus populaires d’entre elles réussissent à en faire un véritable business, en vendant des soins énergétiques par exemple.

Ce courant tente de revendiquer un féminisme émancipateur, mais  pour l’essayiste et philosophe Peggy Sastre le New Age dit en réalité aux femmes : « Vous êtes trop idiotes pour faire des mathématiques ou de la biologie, alors tu vas dessiner des pentagrammes, c’est à ton niveau. On peut difficilement faire plus rétrograde » s’insurge-t-elle.

La nouvelle tendance très en vogue du « féminin sacré » qui valoriserait la femme en la présentant comme « la porteuse de pouvoirs propres à son statut de femme » amène « une vision profondément essentialisante et antiféministe des femmes » selon Peggy Sastre.

C’est un féminisme qui « ne veut pas établir l’égalité des droits » entre la femme « d’essence divine » et l’homme oppresseur. Proches de la nature et estimant être comme elle victime du patriarcat, certaines de ces femmes se réclament aussi de l’éco féminisme, un courant qui voit des similitudes entre l’oppression des hommes envers les femmes et leur surexploitation de la nature.

Ce féminin sacré s’exprime aussi dans des cercles de femmes qui doivent leur origine au livre d’Anita Diamant, «La Tente rouge »1, vendu à plus de trois millions d’exemplaires depuis 1997.

Beaucoup de femmes attirées par ces tendances proches de la nature suivent des formations pour devenir hypnothérapeutes, naturopathes, chamanes, des pratiques qui « prolifèrent beaucoup sur un sentiment de méfiance, voire de défiance, envers la médecine moderne » explique Mathieu Repiquet.

Le succès de cet ésotérisme ne fait que grandir et les maisons d’édition ont bien compris cet engouement, la production consacrée aux femmes ayant augmenté de 72 % entre 2017 et 2020. Mais, prévient Mathieu Repiquet, ces pratiques ne sont pas sans risques pour celles qui y « adhèrent radicalement » si elles les détournent d’une prise en charge médicale ou les amènent à rompre avec le monde extérieur. Pour lui, « la cause féministe mérite quand même mieux que des délires ésotériques qui ne servent pas leur cause ».

(Source : Marianne, 13.06.2021)

1. Ce roman a inspiré un mouvement né en France en 2008 lors de la 6e journée des doulas. Son initiatrice a voulu matérialiser dans une tente rouge un lieu symbolisant les menstruations et l’enfantement, où les femmes se retrouvent à l’écart des hommes pour communier autour de leur féminité.

 

  • Auteur : Unadfi