Une victime de Bivolaru témoigne dans Le Point

Alors que Gregorian Bivolaru, gourou fondateur du Misa, a été interpellé en France le 28 novembre, puis mis en examen et écroué pour viols, abus de faiblesse, séquestrations et traite d’êtres humains en bandes organisées, une ancienne adepte s’est confiée au Point en exclusivité. Elle raconte comment tout a basculé pour elle dans cette secte internationale de yoga tantrique.

Tout a commencé il y a 8 ans. Louise (prénom d’emprunt) avait 31 ans à l’époque. Elle pratique le yoga régulièrement. Mais elle a surtout de gros problèmes d’alcool. Alors quand une amie lui parle de cours de yoga tantrique, lui expliquant que l’esprit c’est : « on s’aime tous, on a le cœur ouvert », elle tente. Les cours sont intenses, « ça m’enlevait mes gueules de bois », raconte-t-elle. Elle entre ainsi volontairement dans un ashram du Misa au Danemark, puis à Berlin et Bucarest. Elle n’a pas de soucis financiers et peut payer le loyer d’un appartement. Ce qui n’est pas le cas de toutes les jeunes femmes présentes à ses côtés. Elle observe que certaines travaillent sans être payées. Comme elle a fait des donations importantes au mouvement, elle est bien traitée et même considérée comme VIP. Durant cinq ans, elle a assisté à des stages de yoga dit « intégral », des séminaires où Bivolaru parle des heures devant 3000 personnes du monde entier. Et où les gens donnent beaucoup d’argent. « Car c’est un principe spirituel dit “karma yoga” qu’on vous inculque : ce n’est pas moi qui fais l’action, c’est Dieu à travers moi. Donc il n’y a pas besoin de salaire… Le salaire, c’est l’état de dévotion dans lequel je pratique la chose ».

Initiation et soumission

Bivolaru, elle l’a rencontré une fois en France . « On m’a dit qu’il voulait me voir. Mais il ne fallait pas que j’en parle parce qu’il était recherché par Interpol. Quand j’ai demandé pourquoi, on m’a répondu : tu sais, c’est comme Jésus, il a été persécuté par les forces du mal parce qu’il voulait faire le bien ». A l’aéroport, on lui a confisqué son passeport et son téléphone portable. Puis on l’a fait monter dans une voiture aux vitres teintées pour la conduire dans ce qu’elle appelle « une maison relais » où se trouvaient déjà plusieurs femmes, toutes de nationalité étrangère. On a alors fouillé ses sacs et on l’a contrainte à faire des vidéos pour que « Bivolaru voit son aura ». Après plusieurs semaines, on l’a conduite chez le « chef spirituel ». Elle avoue qu’elle était alors hypnotisée, en transe. « J’avais été conditionnée et je crois qu’il aurait pu faire de moi ce qu’il voulait ». Heureusement, se souvient-elle, « j’avais mes règles et il a refusé l‘initiation comme ils appellent ça. Initiation qui s’inspire du Damar tantra basé sur l’urinothérapie. En fait, c’est humiliant. Ce n’est pas une initiation, c’est un acte de soumission ».

Dépôt de plainte en 2020

Reste qu’à l’époque, elle pensait avoir rencontré Dieu. Aujourd’hui, elle dit qu’elle a rencontré « un sociopathe qui avait un égo démesuré et qui voulait se taper de belles jeunes femmes, si possible des vierges ». Et celle qui dit avoir vu dans les ashrams des femmes, en état de choc, prostrées et recroquevillées en position fœtale après leur rencontre avec Bivolaru, l’affirme : « il n’y a peut-être pas de violence physique mais la violence psychologique est énorme ».

Il y a trois ans, Louise est tombée enceinte. Elle a fait une fausse couche et dit avoir été alors humiliée en public par l’un des dirigeants du Misa. La goutte de trop. Elle décide de partir. Et de porter plainte. Pas facile. « Cinq ans de conditionnement créent beaucoup de peur »… 

(Source : Le Point, 6.12.2023)

  • Auteur : Unadfi