Témoignages : elles dénoncent de « graves dérives sectaires »

Un enfermement social et psychologique, une vie contrôlée en permanence jusque dans l’intimité conjugale… Avec le recul, trois femmes ayant aujourd’hui quitté la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX) se rendent compte du milieu sectaire dans lequel elles ont évolué. 

Trois femmes ayant coupé les ponts avec la communauté catholique traditionaliste fondée par Marcel Lefebvre en 1970 ont accepté de se confier. Toutes les trois sont des purs produits de la Fraternité, « éduquées en opposition au reste du monde ». Le monde étant « l’anagramme de démon » comme on le leur a inculqué dès leur plus jeune âge.  Les seules fois où elles avaient le droit de fréquenter ce « démon », c’était pour les courses du quotidien ou les visites médicales. Toutes leurs références culturelles étaient contrôlées : la musique, les livres, le cinéma (pas avant 18 ans). Presque tout était interdit. A commencer par la télé, vue comme « le diable ». En revanche, « on a une grosse culture musique classique ». Avec le recul, ces trois femmes se rendent compte du milieu sectaire dans lequel chacune a évolué, dans des régions différentes. « Le fait d’avoir une pensée unique qui gravite autour de la religion, c’est la définition même de la secte », concèdent-elles. « On nous apprend à détester le monde extérieur, à se méfier de tout ».

Ces « graves dérives sectaires », Marie Drilhon, vice-présidente de l’Unadfi et présidente de l’Adfi des Yvelines, les dénonce depuis plusieurs années : « Dans les critères qui correspondent à la dérive sectaire, il y a l’enfermement. À l’intérieur de la communauté, il y a un contrôle exercé sur les fidèles qui est très important. D’autre part, la Fraternité estime que la loi de Dieu passe avant la loi des hommes. Il y a donc une atteinte aux liens sociétaux. On l’a vu pendant l’épidémie de rougeole en 2008. Des foyers émergeaient des écoles de la Fraternité, puisque les familles refusaient que les enfants soient vaccinés. C’est la loi interne avant le bien collectif. »

« On perd jusqu’à son identité »

En plus du repli sur soi, les trois jeunes femmes évoquent toutes les trois leur éducation centrée sur le respect du patriarcat. « Le père est le chef de la famille, c’est lui qui prend les décisions. On lui doit le respect, on ne lui répond pas, on se plie à ses décisions ». Elles doivent être pudiques et passer inaperçues. « La femme est là pour être une maîtresse de maison docile, s’occuper des enfants et servir son mari ».

Les règles s’immiscent jusque dans l’intimité conjugale. « On ne peut pas se refuser à son mari. On a un devoir religieux qui nous est expliqué lors de la préparation au mariage avec le prêtre. On ne peut pas arrêter l’acte sexuel, puisque c’est voulu par Dieu et que c’est un devoir ». Tous les moyens de contraception sont interdits. « L’acte sexuel est ordonné à la fécondité, vouloir les dissocier est non seulement un péché, mais aussi une erreur ». Et la femme « perd tous ses droits » quand elle devient religieuse. « Elle n’a plus de compte bancaire, plus de mutuelle. Elle dépend entièrement de la communauté. Elle perd presque jusqu’à son identité. »

Toutes les trois ont quitté la Fraternité Saint-Pie X et coupé les liens avec leur famille. Mais une fois sorties du mouvement lefebvriste, les séquelles restent nombreuses. « Ça a été un très long cheminement de revenir à la réalité et de tout réapprendre, ne pas penser que l’autre est mauvais, que l’homosexualité est un péché par exemple. Il faut se reconstruire pour pouvoir évoluer dans un monde qu’on ne connaît pas. On ne sait même pas ce qu’on veut, ce qu’on aime puisqu’on ne nous a jamais demandé de choisir ». 

(Source : Actu.fr, 19.03.2024)

  • Auteur : Unadfi