Quand des anciens adeptes racontent

André, Bernard, Gérard, Martine (dont les vrais noms ont été modifiés) témoignent de leurs années passées au sein de la Fraternité Saint Pie X (FSSPX). Au cœur de ces récits : des prêtres-gourous qui se placent au-dessus des lois de la République et auxquels les fidèles doivent une soumission éternelle.

Ce groupe catholique traditionnaliste a été créé en 1970 par l’Abbé Lefebvre, opposé au Concile de Vatican II. Implantée dans 230 lieux divers en France (églises, chapelles, monastère, écoles, lycées hors contrat, université, maison de retraite), la Fraternité sacerdotale compte toujours sur les dons de ses fidèles pour s’étendre davantage. Mais derrière ce rayonnement apparent, de nouvelles voix s’élèvent pour témoigner du quotidien vécu dans cette communauté : « La Fraternité Saint Pie X est une secte » disent-elles.

Outre des méthodes financières douteuses, notamment les captations d’héritage, permettant au mouvement de prospérer, les anciens adeptes racontent avant tout le rôle prépondérant des prêtres de la communauté. Érigés en véritables maîtres à penser, ces figures centrales du mouvement obtiennent obéissance et soumission de leurs adeptes. Un ancien raconte avoir voulu parler à ses parents des « mœurs immorales » d’un abbé du groupe. Aussitôt, un autre religieux du groupe le lui a déconseillé : « tu ne dois pas le dénoncer, nous sommes des alter christus, si tu dénonces un prêtre c’est que tu dénonces le Christ ». De son côté, Martine, membre de la Fraternité pendant de nombreuses années, parle d’une « secte » dans laquelle tout contact avec le monde extérieur est proscrit, la télévision bannie tout comme la musique pop jugée satanique. L’emprise sur les adeptes est totale et la culpabilisation constante. « On a mis nos enfants dans leurs écoles, on a déménagé pour ça, on a tout fait comme ils nous disaient pour « sauver notre âme », raconte-t-elle. Mais ils ajoutent toujours plein de nouvelles choses, de nouvelles règles… Résultat, on n’est jamais à la hauteur, on ne fait jamais assez bien ».

De la gifle à l’humiliation publique, les enfants sont dès le plus jeune âge couramment soumis à la violence dans les pensionnats de la FSSPX. Sur le plan de la santé, des camps de vacances du mouvement ont constitué des foyers de propagation de la rougeole, en 2008, en l’absence de couverture vaccinale.

Par ailleurs, l’éducation dispensée par les prêtres dans les écoles hors contrat est empreinte de racisme et d’homophobie. Bernard, qui a grandi dans la Fraternité, se souvient : « Les personnes de couleur étaient souvent associées à des Musulmans, des infidèles et donc des personnes à combattre. Même chose pour les Juifs dont on nous apprenait qu’ils avaient trahi Notre Seigneur Jésus-Christ. Il fallait soit les convertir, soit les combattre. » Il rappelle aussi l’ « attachement certain pour le régime de Vichy et pour la figure du maréchal Pétain ». Gérard se remémore quant à lui des propos négationnistes et André évoque les Protocoles des Sages de Sion (livre antisémite et complotiste du XXe siècle) qui circulait à l’école.

Mais l’endoctrinement idéologique apparaît également dans les sermons, au moment des messes. Ainsi, l’abbé Chautard, en parlant de la République, s’insurge-t-il : « Regardez ces lois immorales qui sont votées. Regardez ces vices qui sont encouragés, légalisés, remboursés. Cet avortement. Ces mœurs contre-nature […], cette prétention à la liberté de conscience, à la liberté d’expression, à la liberté de penser, c’est la liberté de refuser la révélation de Dieu. C’est la liberté de refuser de se soumettre à la parole de Dieu. C’est ça que ça veut dire. »

Religieux et politique s’entremêlent et le séparatisme des catholiques intégristes s’affirme au nom de Dieu. 

(Source : Streetpress, 13.09.2022)

  • Auteur : Unadfi