New York et le financement d’écoles hassidiques

La communauté juive hassidique, ultra-orthodoxe et particulièrement pauvre, jouit de multiples aides publiques pour dispenser aux élèves, aux dépens de toute éducation laïque, des enseignements, parfois violents, dont les résultats sont déplorables. Deux journalistes du New-York Times ont mené pendant un an une enquête très détaillée.

Ce sont 200 000 Hassidiques qui vivent à Brooklyn et dans la Vallée de l’Hudson, soit 10% de la population juive de l’État de New York. Alors que les programmes scolaires de leurs écoles, les yeshivas, se sont alignés sur l’éducation laïque en Grande-Bretagne, en Australie ou en Israël, il n’en est rien à New-York où les élèves n’apprennent que très peu les maths et l’anglais et encore moins l’histoire et les sciences. Les cours sont essentiellement religieux et en yiddish. Dans la centaine d’écoles pour garçons dépendant de la communauté juive, les résultats scolaires des 50 000 élèves concernés sont calamiteux. Cela s’est vérifié en 2019, après que certains établissements ont accepté de soumettre leurs élèves à des évaluations en maths et en anglais, en échange de financements publics. 99% des élèves ont échoué. Dans les écoles de filles, le taux d’échec atteint 80%. Des résultats catastrophiques et très en-dessous des moyennes des autres écoles, qu’elles soient confessionnelles, privées ou publiques. Cette éducation strictement religieuse explique la grande pauvreté de la population hassidique : à leur sortie d’école, les élèves ne sont absolument pas préparés au monde extérieur, au marché du travail et aux relations sociales. Leur grande précarité explique également que ces écoles aient joui d’importants financements publics ces dernières années, plus que toute autre école privée. Un milliard de dollars d’argent public leur aurait été accordé sur les quatre dernières années.

Un chiffre qui risque de devenir de plus en plus difficile à justifier en vue des nombreux cas de châtiments corporels recensés dans ces lieux d’enseignement. Les rabbins n’hésiteraient pas à frapper avec bâton, règle ou ceinture pour rappeler les enfants à l’ordre.

Comment expliquer que l’État et la ville de New-York soient si passifs face à ce phénomène ? La réponse se trouve d’abord dans la Constitution américaine. Son 1er amendement relatif à la liberté religieuse explique que les autorités ne puissent pas facilement interférer dans ce type d’affaires. L’ancien maire démocrate de New-York, Bill de Blasio, avait pourtant essayé de se pencher sur la question en 2015 après avoir reçu des plaintes d’anciens hassidiques et suite à une épidémie de rougeole dans ces écoles, mais cette initiative n’a débouché que sur une série de compromis. Des inspections ont été organisées mais toujours très en amont et en présence de l’avocat représentant les yeshivas, Avi Shick. Et bien qu’un plan édictant certaines normes laïques pour ces établissements ait été réfléchi par les autorités, les Hassidiques se sont vite mobilisés pour contrer ce choix. « C’est maintenant notre opportunité et notre devoir sacré d’essayer d’arrêter les directives avant qu’elles n’entrent en vigueur », ont-ils écrit en yiddish dans un dépliant s’opposant au projet. Un appel au secours envoyé aux membres de la communauté par l’intermédiaire des écoles.

Aussi, le rapport qui devait être publié par la ville sur les écoles s’est traduit en un marchandage politique avec le maire suivant. Une seconde explication du maintien de ces écoles se trouve dans le poids que représentent les hassidiques, notamment lorsqu’ils encouragent leurs partisans à voter massivement. Un subtil compromis entre le religieux et le politique qui se traduit par une formule : l’État finance ses futurs pauvres …  

(Sources : NY Times, 11.09.2022 & Seattle Times, 11.09.2022)

  • Auteur : Unadfi