Pour Frédéric Mugnier la biodynamie va à l’encontre des idéaux de l’écologie 

Dans une tribune repostée sur le site du Point Frédéric Mugnier, l’un des vignerons phares de Bourgogne, a remis en question l’idée selon laquelle la biodynamie serait plus utile que l’agriculture bio classique. Il déplore que l’engouement et la méconnaissance de la biodynamie ait divisé le monde des vignerons en deux clans : ceux qui la pratiquent d’un côté et les empoisonneurs de l’autre.

Beaucoup de ses pratiquants la voient comme une agriculture bio inoffensive associant une sorte d’homéopathie pour les plantes et des « préparations magiques ». Selon lui, les effets positifs relevés par ses utilisateurs seraient surtout la conséquence de leur vigilance accrue envers leur vigne. Mais il déplore que beaucoup ignorent ses fondements ésotériques ne reposant que sur l’imagination d’un seul homme, Rudolf Steiner, le fondateur de l’anthroposophie.

La vision du monde de Rudolf Steiner puise dans la mythologie antique, la pensée théosophique, la mystique chrétienne, la kabbale, mais également dans son monde intérieur. Il raconte lui-même dans son autobiographie avoir obtenu certaines de ses connaissances des esprits qu’il a rencontré dès son enfance.

Né peu après la révolution industrielle, l’anthroposophie s’oppose au matérialisme et au scientisme et prône le retour aux « valeurs spirituelles ». L’opposition de Steiner à l’industrialisation de l’agriculture trouve un écho important aujourd’hui dans la sphère écologique. Pourtant, selon Frédéric Mugnier, sa conception du monde est en totale opposition avec celle des écologistes. Si pour ces derniers l’homme est dépendant de la nature, dans la conception du monde de Steiner, l’homme serait le centre de tout et précède la nature dans l’ordre de la création du monde. Il aurait existé sous forme d’esprit avant l’apparition de la matière qui serait une création de la conscience. Dans ce contexte la nature serait un produit de la conscience humaine conçue pour l’usage de l’homme et disparaîtra quand ce dernier n’en n’aura plus besoin, lorsqu’il redeviendra esprit.

Loin de la paysannerie traditionnelle, la biodynamie a été conceptualisée quelques mois avant son décès par Rudolf Steiner, à la demande d’aristocrates et de propriétaires terriens membres de l’anthroposophie. N’ayant jamais pratiqué l’agriculture, il donnera à leur intention une série de conférences publiées en 1924 sous le titre Cours aux agriculteurs. Selon l’auteur lui-même il ne s’agit pas d’un cours mais d’une transposition à l’agriculture de sa vision holistique du monde. Dans ce monde où les êtres vivants seraient dépendants des forces du cosmos, interviendraient des êtres supérieurs mais aussi ce que Rudolf Steiner appelle des « êtres élémentaux » (gnomes, sylphes, …) dont le rôle serait d’agir en médiateur avec les êtres supérieurs afin de s’attirer leurs bonnes grâces.

Rien d’étonnant donc à ce que l’agriculture biodynamique fasse appel à des traitements aux origines ésotériques dans le but de « courtiser ces êtres élémentaux » ainsi que l’explique le vigneron biodynamiste Nicolas Joly.

Selon Frédéric Mugnier, les vignerons ne peuvent feindre d’ignorer les origines anthroposophes de cette agriculture puisque Demeter, l’organisme qui délivre la certification en biodynamie, a mis en tête de son cahier des charges la référence à Steiner et impose l’utilisation des préparations qu’il a inventées. Deux d’entre elles sont même obligatoires chaque année et ce même lorsque les vignes ne souffrent d’aucun problème, probablement parce que cette agriculture repose avant tout sur des concepts spirituels qui n’ont que peu de rapport avec l’écologie. 

(Sources : Le Point, 08/09.11.2022)

  1. Le Point a reproduit, avec son autorisation, la tribune de Frédéric Mugnier (sur son propre site) : http://mugnier.fr/pour-en-finir-avec-la-biodynamie/
  • Auteur : Unadfi