Depuis quelques années, l’entreprise suisse Pneumatit fabrique un adjuvant biodynamique à partir d’os de geai dans entre autres, dans un labo où sont lues les Noces de Cana sur fonds de musique classique. Il est censé procurer des « vertus éthériques » au béton.

Le processus de fabrication laisse perplexe. Sur le site internet de Pneumatit, on apprend que leur produit est obtenu après concassage et broyage de divers ingrédients tels qu’un fémur droit de geai, des coquilles de nautilus pompilius (un escargot de mer), des ailes de papillon, des végétaux et des minéraux. En y ajoutant de l’eau et de l’éthanol, on obtient un condensat qui apportera au béton une structure moléculaire dynamique. La préparation de cette mixture doit s’accompagner de la lecture du Nouveau testament sur fond musical de Bach « avec effet de tissage par decrescendo et crescendo alternés, musique de flûte simple et légère et méditation », précise Pneumatit. Des modulations rythmiques de la température sont obtenues « à l’aide de bougies et de glace pendant trois nuits consécutives ». Puis le condensat obtenu est dilué dans des hectolitres d’eau (1 ml pour 10 000 litres), comme en homéopathie, afin d’obtenir le produit final qui sera vendu 180 € le litre pour être mélangé à du béton classique. Mais pour quels résultats ? Pneumatit l’affirme sur son site : son produit procure des « forces vitales » au béton. « Ces influences retentissent de façon subtile sur le sentiment de bien-être, la vie organique et spirituelle de l’homme ». Contrairement au béton conventionnel qui, toujours selon Pneumatit, « couperait l’homme des forces de l’environnement naturel au point de provoquer des malaises et de la nervosité ». Deux docteurs, proches du laboratoire suisse, assurent même qu’avec ce produit, on constate « un renforcement de la conscience du Je »…

Des chantiers encouragés par les institutions

Et ces affirmations, aux forts accents anthroposophiques, semblent recevoir un écho favorable auprès de particuliers et professionnels en quête de constructions plus respectueuses de l’environnement et de l’homme. Principalement en Suisse, mais aussi beaucoup en Alsace et en Bretagne où des entreprises de matériaux promeuvent les vertus du béton Pneumatit.

En Bretagne, une cinquantaine de constructions sont sorties de terre suivant ces préceptes. Sur la carte des implantations, on trouve l’extension d’un hôtel à Bruz, près de Rennes, des bâtiments agricoles (environ 90 %) et des socles d’antennes téléphoniques ou d’éoliennes. Pour ces chantiers, on découvre que des géobiologues (activité non reconnue officiellement), interviennent à la demande de collectivités ou de préfectures… Ce serait une manière d’acheter la paix sociale.

« C’est vu comme un principe de précaution supplémentaire face aux craintes des riverains » explique Jérémy Simon, délégué général adjoint du Syndicat des énergies renouvelables. Tout en reconnaissant que « ces diagnostics ne peuvent pas être mis au même niveau que les études scientifiques ». En Loire-Atlantique, la préfecture demande ainsi systématiquement que ces pseudo-experts soient consultés. Et ce, en amont et en aval des projets afin de « répondre à des enjeux et des sensibilités locales », peut-on lire dans un protocole qu’elle a rédigé. Interrogé, un commissaire enquêteur expérimenté confirme que le fait de faire appel à ces apôtres des énergies cosmiques rassurent. Et au final, il estime que « c’est peut-être un moindre mal. Dans 70 % des cas, les projets sont attaqués au tribunal administratif par des riverains, ce qui peut entraîner des années de retard et des pertes financières. Les rapports de ces pseudo-experts ont un coût, mais ce n’est pas du gaspillage, puisqu’ils semblent bénéficier d’un capital confiance auprès des éleveurs notamment et donc être de nature à améliorer l’acceptabilité des projets »… 

(Sources : Le Télégramme, 13.11.2024 & L’Express, 27.10.2024 & La Voix du Nord, 24.10.2024)

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