In vino veritas : Biodynamie et déraison

Ce témoignage restitue le parcours sur une dizaine d’années d’une jeune femme, Camille B., progressivement séduite et de plus en plus impliquée dans la viticulture biodynamique, jusqu’à ce qu’elle prenne conscience de l’incohérence des discours et des pratiques de la biodynamie. Elle alerte ici sur le risque de s’engager dans un processus addictif de recherche pseudo-scientifique, éloignant de la réalité et faisant perdre la capacité de réflexion rationnelle.

Introduction

C’est difficile de tout remettre en ordre dans ma mémoire pour comprendre exactement comment j’ai pu entrer dans un système de croyance, m’y sentir suffisamment impliquée pour devenir prosélyte et y consacrer une grande partie de ma vie. Puis, comment brutalement tout s’est arrêté. Ce texte sera donc peut-être confus, mais quoiqu’il en soit je vais tenter de le rendre le plus lisible possible. Tout s’est joué au détour de rencontres, qui me paraissaient tellement bonnes à l’époque et qui se sont avérées toxiques à terme. Aujourd’hui, malgré ma déconversion, il m’arrive encore d’avoir du mal à admettre pour moi-même que les soi-disant grands sages qui m’ont formée pendant mes années en biodynamie m’ont en réalité manipulée, bien souvent malgré eux. Et j’éprouve encore un attachement à certains d’entre eux.

Je n’ai pas de ressentiment concernant les biodynamistes dans l’ensemble, malgré le manque d’honnêteté intellectuelle auquel j’ai été confrontée pendant ces années. J’impute cette malhonnêteté à leur propre endoctrinement, j’ai le sentiment que la plupart d’entre eux étaient eux-mêmes victimes de leurs croyances.

Si j’écris ce texte aujourd’hui, c’est tout d’abord en soutien à celles et ceux qui ont le bon sens de dénoncer le mode d’endoctrinement insidieux des anthroposophes. J’essaie aussi de démêler la manière dont on rentre dans un système de croyances sans pour autant être stupide ou trop crédule. Car je voudrais, par mes propos, mettre en garde celles et ceux qui pourraient se laisser séduire par les jolis mirages de l’anthroposophie, par cette pseudo philosophie, empreinte de bien-pensance soi-disant non conformiste, qui prône un retour à l’essentiel, à la nature et à notre sensibilité mais qui, au final, détruit le sens critique.

Enfin, je constate que la biodynamie est un mode d’agriculture très méconnu, autant des personnes qui l’encouragent que de ceux qui la critiquent. Les uns y voient une agriculture saine, plus bio que bio, « un truc avec la Lune » pratiqué par des agriculteurs éclairés tandis que les autres y voient une pratique magico-religieuse absurde et inefficace. A mon sens, c’est bien plus subtil que ça. Je ne prétends pas tout connaitre de ce milieu, loin de là. Je sais aujourd’hui que dans ce monde de secrets et de dissimulation je suis très loin d’avoir eu accès à toutes les informations. Je livre ici ce que j’en sais et ce que j’y ai vécu afin de contribuer à clarifier ce qu’est réellement la biodynamie. Tout en sachant que les « connaissances » que je vais énoncer seront imprécises, je m’efforcerai de rester au plus proche de ce qu’on m’a enseigné et de ce que j’ai découvert suite à ma déconversion.

Objectivement, je constate que si la biodynamie est à la fois très médiatisée et méconnue, c’est qu’elle se dissimule, qu’elle ne dit pas ce qu’elle est. Cet état de fait devrait éveiller, si ce n’est les soupçons, au moins la curiosité du public, à fortiori s’il en est consommateur.

Le récit qui suit fait le bilan de plusieurs années d’errance dans un monde très particulier, mêlant agriculture biodynamique et croyances new age. Les deux sont intrinsèquement liées. Cependant, mon adhésion à la biodynamie n’est pas la cause de ma conversion à l’ésotérisme, mais plutôt sa conséquence la plus prégnante. La biodynamie a été la principale composante d’un système de croyance qui pour moi a été très nocif.

Mon point de vue est très critique aujourd’hui sur toutes les croyances, tous les discours et toutes les méthodes d’agriculture dont je témoigne. Ainsi, je ne prétends pas écrire un texte objectif. Je ne cherche en aucun cas à stigmatiser les personnes ni les domaines dont je parle mais simplement à rendre compte de mon parcours. C’est pourquoi je resterai discrète quant aux lieux et personnes évoqués. Les descriptions de comportements moralement répréhensibles, légalement problématiques et personnellement douteux resteront anonymes afin de protéger les personnes.

Il ne s’agit pas de montrer du doigt des domaines ou des personnes, mais bien de témoigner d’un univers déviant en espérant que ce texte pourra être utile à celles et ceux qui se sont laissé séduire ou pourraient se laisser séduire par ce monde si attractif.


Je tiens également à préciser que je n’ai aucun conflit d’intérêt et ne compte pas tirer profit, de quelque manière que ce soit de cette démarche.


Dans notre société occidentale actuelle, l’ésotérisme est un imbroglio de croyances issues de la théosophie moderne, un syncrétisme religieux du début du XXème siècle. Tandis que l’anthroposophie est la doctrine fondée par l’occultiste Rudolf Steiner après avoir quitté la Société théosophique. C’est très résumé, voire un peu caricatural, mais pour une meilleure compréhension du texte qui va suivre, je me dois de simplifier un peu. Pour clarifier mes propos, je ferai la distinction ici entre deux types de personnes rencontrées :

  • les ésotéristes : celles et ceux qui dans mon parcours m’ont entrainée vers le mysticisme mais qui ne sont pas nécessairement agriculteurs. Ils adhèrent à beaucoup de croyances empruntées à l’anthroposophie ou à la théosophie. Ils sont très prosélytes mais ne connaissent que peu, voire pas du tout, les fondements de l’anthroposophie.
  • les biodynamistes : les vignerons et autres agriculteurs chez qui j’ai travaillé (ou non), qui sont bien plus empêtrés dans la cosmologie anthroposophe (parfois sans même s’en rendre compte !) mais ne font pas (ou peu) de prosélytisme.

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  • Auteur : Unadfi
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