Les Béatitudes dans la tourmente

Ces derniers temps, la presse s’est penchée sur la Communauté des Béatitudes. Des journalistes de La Vie et du Nouvel Observateur ont mené des enquêtes fouillées. Quelque temps auparavant, Le Canard Enchaîné (voir Bulles n°93, 1er trimestre 2007) et Golias avaient, eux aussi, essayé de comprendre le fonctionnement de ce mouvement controversé.


La Communauté des Béatitudes fondée en 1973 par Gérard Croissant, alias Frère Ephraïm, comprend un ensemble de 77 communautés religieuses dispersées dans 30 pays à travers le monde. En France, ses 27 « maisons » (terme utilisé pour désigner chaque communauté) se sont souvent établies dans de splendides monastères ou châteaux.

Outre un important patrimoine immobilier, la Communauté des Béatitudes possède des centres de formation, un commerce d’artisanat, des activités de voyage et d’hôtellerie… sans oublier l’infrastructure liée à l’organisation de « pélerinages » (notamment à Medjugorje, en Bosnie, où la Vierge « est censée » apparaître). Pour sa communication, la communauté dispose d’un véritable « arsenal » : un mensuel, « Feu et Lumière », une revue « Troas », une société d’édition et une société de production (pour ne citer qu’eux !…).

Depuis les années 1990, plus de 40 témoignages de familles ou d’anciens membres des Béatitudes sont parvenus à l’UNADFI et à l’AVREF (Association vie religieuse et famille), mettant en exergue abus de pouvoir et ruptures familiales. De son côté, le journal Golias qui, dans son numéro de janvierfévrier 2007, s’est livré à une vaste enquête a, lui aussi, recueilli de nombreux témoignages qui montrent que la direction de la communauté est basée sur la séduction et le chantage affectif et qu’un petit groupe de « clercs », déconnectés de la réalité, contrôle la communauté. Le journal «La Vie » a, quant à lui, recueilli des témoignages dévoilant que la théorie développée par Frère Ephraïm puis par un autre théoricien du mouvement, Bernard Dubois, a engendré une « confusion » dans l’esprit des membres. Ce terme de « confusion » revient d’ailleurs comme un leitmotiv dans les témoignages qui pointent un fonctionnement mêlant étroitement spiritualité et psychologie. Un membre raconte ainsi que « Dieu est utilisé comme une puissance magique capable de résoudre tous les problèmes »[Une technique psycho-spirituelle est appliquée aux Béatitudes : l’agapéthérapie qui est « la guérison des blessures passées par l’Amour de Dieu »…]] . Au cours de sessions psycho-spirituelles, l’Ennéagramme, une méthode ésotérique et « pseudo-scientifique », est ainsi proposée[1] .

Le personnage du diable est omniprésent dans la doctrine de la communauté, entraînant pratique d’exorcismes et « de prières de délivrance » : système infaillible de manipulation et de prise de pouvoir sur l’autre. Tout ce qui est extérieur à la communauté est diabolisé : en conséquence les membres sont amenés à couper progressivement tous leurs liens avec leurs proches.

Les associations de défense des familles sont fréquemment sollicitées par les familles qui, malheureusement, ne peuvent pas porter plainte car leurs enfants sont majeurs ! Une plainte pour « abus de faiblesse » a pourtant été déposée par un couple, Myriam et Pascal[2], au Tribunal de Castres. Il explique avoir été complètement infantilisé, déstructuré et… ruiné.

Dans cette tourmente qui agite le monde des Béatitudes, le fondateur Ephraïm, semble aux abonnés absents. Il prétend être au Sénégal en train de créer un foyer pour les enfants des rues…

Source : Bulles n°94 – 2e trimestre 2007, d’après Golias, Paul Gauthier, janvier/février 2007, La Vie, Chloé Andries, 22.03.2007, Le Nouvel Observateur, Marie Lemonnier, 29.03.2007

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[1] L’ennéagramme, inventé par Gurdjieff (voir Bulles n°85 1er trimestre 2005), classe les profils des personnalités en neuf familles.
[2] Pascal Michelena est l’auteur de « Les Marchands d’âmes », Editions Golias, 2007