Intérêt mutuel

La mega church évangélique Hillsong aurait fait de la pop star « bad boy » toxicomane Justin Bieber un bon père de famille chrétien. Elle aurait sauvé son âme. Mais sur quoi repose la relation symbiotique entre Bieber et Hillsong ?

Justin Bieber s’est largement épanché dans les médias sur ses déboires : alcoolisme, drogue, importation illégale d’animaux… Élevée par une mère évangélique, il avait perdu la foi. Mais en 2014, alors qu’il commençait à toucher le fond, il trouve de l’aide auprès de Carl Lentz, pasteur de la branche new-yorkaise de Hillsong, qui le convainc qu’il pourrait être sauvé par Jésus. Il est baptisé dans la foulée.

Depuis, il inonde les réseaux sociaux de versets bibliques. Il participe aux événements organisés par la mega church et apparait fréquemment aux côtés de Lentz sur les médias. Hillsong est une véritable aubaine pour Justin Bieber. Elle diffuse sa musique à travers le monde1 et lui a permis de jouir d’une meilleure réputation. En retour, la présence du chanteur sur les bancs de l’église a permis à ses pasteurs (amis des médias) de faire parler d’elle.

Hillsong est très attachée à la théologie de la prospérité garantissant la réussite matérielle aux croyants les plus « émérites » faisant preuve de pureté spirituelle, foi inébranlable et pensée positive. Quoique conservatrice, sa doctrine attire un public jeune. Ses services sont à la fois « high-tech » et minimalistes. Depuis sa création Hillsong se caractérise par ses propositions de musique pop chrétienne. Elle produit des albums qui lui ont rapporté des millions de dollars et publie sur son site Web des sermons principalement destinés à un public jeune.

Les positions conservatrices d’Hillsong sur des questions sensibles comme l’avortement ou l’homosexualité ne sont pas très éloignées de la plupart des mouvements chrétiens conservateurs, sauf qu’elles apparaissent plus choquantes depuis qu’ont éclaté des scandales qui ont éclaboussé l’église. Dès 1999, des rumeurs s’étaient répandues selon lesquelles Frank Houston, l’un des fondateurs de Hillsong, aurait abusé de jeunes hommes de la communauté. Un an plus tard, il avouait avoir abusé d’un jeune garçon. Il est décédé en 2004, l’affaire n’a pas été portée devant la justice.

En 2014, une enquête de la police australienne a dévoilé que Frank Houston avait en réalité agressé neuf jeunes garçons. Mais, paradoxalement, c’est le même Franck Houston qui a lancé les thérapies de conversion au sein de Hillsong et les a ensuite externalisées au cours des années 2000.

Brian Houston, son fils, considérant son père comme un homosexuel, a commencé à adopter une rhétorique plus favorable aux LGBT2 et à « prendre en considération leurs difficultés ». Mais dans la réalité, les questions relatives aux LGBT sont peu abordées et lorsqu’elles le sont, les réponses sont contradictoires. Et devant les questionnements agacés de jeunes paroissiens, Houston et Lentz ont rapidement clarifié la position officielle de l’église3 : être gay est en effet un péché et les homosexuels n’ont pas accès aux postes de responsables de l’église.

Hillsong est sans aucun doute le mouvement évangélique le plus adapté à son époque, au niveau du langage et de ses modes de communications. Même si des personnes, comme les fans de Justin Bieber, rejoignent Hillsong pour de mauvaises raisons, ce n’est pas un problème pour ses dirigeants. Le principal est d’être vu.

(Source : Vox, 01.10.2018)

1. Hillsong est implantée dans plus de 80 villes réparties sur les cinq continents.
2. Lesbiennes, gays, bisexuels et transexuels
3. https://hillsong.com/collected/blog/2015/08/do-i-love-gay-people/#.W9cg_dVKhhE (04.08.2015)