Quelles sanctions pour les communautés déviantes ? Quelle reconnaissance pour leurs victimes ?
Dans un article publié dans Golias, Christian Terras revient sur la réorganisation de la Pastorale Nouvelles Croyances et dérives sectaires et sur son éventuelle influence pour les signataires de l’Appel de Lourdes(1).
Depuis septembre 2013, la Pastorale Nouvelles Croyances dérives sectaires, dirigée par Mgr Dubost, est scindée en trois pôles : l’observatoire Nouvelles Croyances (Philippe Le Vallois), le bureau Dérives Sectaires (Soeur Chantal-Marie Sorlin), et la mission Écoute des Victimes (Mgr Gueneley).
En octobre, avant l’assemblée de la Conférence des évêques de France à Lourdes, une lettre (Appel de Lourdes), signée par quarante victimes de dérives sectaires au sein de différents mouvements d’Église et congrégations religieuses, a été envoyée à tous les évêques. C’est Mgr Pontier qui y a répondu le 7 novembre par une lettre lourde d’implications.
Mgr Pontier reconnaît que la lettre semble vouloir « dénoncer des pratiques relevant de dérives sectaires à l’intérieur même d’institutions de l’Église ». Mais il utilise un discours alambiqué qui démontre surtout le peu de cas que ces communautés font de l’épiscopat et qu’il y a bien des dérives sectaires dans les groupes que mentionne l’Appel de Lourdes : « Béatitudes, Famille monastique de Bethléem, Légion du Christ, Regnum Christi, Fraternité Eucharistein, Emmanuel et Fraternité de Jésus, Sœurs mariales d’Israël et de St-Jean, Ancien collaborateur du père Labaky, Memores Domini (Communion et Libération), Communauté de Nazareth, Opus Dei, Points-Cœur, Communautés Saint-Jean, Fraternité diocésaine de Saint-Jean-de-Malte. »
Pour Christian Terras, le fait que Mgr Pontier ne se soit pas insurgé indique peut-être qu’il considère que les accusations étaient fondées. Il estime également que cette « reconnaissance » de dérives sectaires est peut-être un pas dans l’attitude de l’épiscopat. Jusqu’à présent le mot d’ordre était de garder le silence quand l’épiscopat était confronté à des cas mis en évidence soit par des lettres, soit par les médias. Cela reste le cas pour les victimes qui demandent justice depuis plus de dix ans. Donc, cette vague reconnaissance de l’existence de dérives est loin de prendre en compte la réalité. Pour cela, il faudrait une prise en charge des victimes, de leur légitime besoin de justice et de réparation. Cette étape n’est pas envisagée, ni même d’éventuelles sanctions contre les communautés déviantes.
Mgr Pontier propose d’écouter les victimes. Ce qui suppose des victimes aptes à parler : certaines sont encore sous emprise, d’autres se sont suicidées, d’autres encore ont parlé à des représentants de l’Église et le regrettent amèrement, etc. Il y a aussi des victimes ruinées ou en très grande précarité qui ne peuvent même pas faire appel à un avocat pour ouvrir un procès civil ou canonique.
Les propositions de Mgr Pontier laissent à penser que l’Église a baissé les bras, qu’elle ne songe nullement à user de procédures canoniques pour ces communautés déviantes. Une solution simple consisterait à leur faire respecter le Code de Droit Canonique en ce qui concerne les mœurs et les finances. Mais les dérives sont cachées, voire approuvées. Comment Mgr Pontier compte-t-il offrir la liberté aux ex-communautaires sans retraite, faute de cotisations sociales versées pour eux ?
Les membres choisis pour s’occuper des Nouvelles Croyances et des Dérives Sectaires dans l’Église sont emblématiques : Mgr Dubost cautionne une résurgence de l’utopie saint-simonienne du XIXe siècle comme une chance pour son église locale. M. Le Vallois cautionne l’initiative de Mgr Lebrun qui met en première ligne de sa pastorale la formation à l’ennéagramme… dont Gurdjieff est l’initiateur. Mgr Guéneley lorsqu’il était exorciste, a collaboré avec Bernard Dubois(2), exorciste sauvage et « gourou » de plusieurs victimes.
Quant à sœur Chantal-Marie Sorlin, son commentaire de l’Appel de Lourdes est surprenant. Elle semble pouvoir entendre le fait qu’il y ait des victimes mais ne veut pas parler des communautés impliquées. Sans doute considère-t-elle qu’il vaut mieux que la Pastorale ne s’en occupe pas et se contente d’informer les victimes sur leurs droits. Des victimes en ont déjà fait la triste expérience : il ne faut rien attendre du côté de la Pastorale non plus. La formation aux dérives sectaires donnée à Lyon se réduit aux dérives existant dans des communautés et omet de citer celles rencontrées dans des associations de fidèles qui ne forment pas une communauté de vie comme l’Agapè, ou la Maison d’Abba… Pour les victimes, les dérives financières sont communes à toutes les associations qu’elles soient communautaires ou non. C’est un point que la sœur Chantal Sorlin semble avoir oublié dans les critères qu’elle a donnés au cours de la formation.
On voudrait faire croire que « l’Eglise est enfin plus attentive aux victimes » alors qu’elle continue de couvrir les évêques qui, eux-mêmes, couvrent les dérives. Christian Terras se demande si tout cela n’est pas « un enfumage bien structuré et bien médiatisé pour faire oublier, derrière ce rideau de fumée, toutes les victimes aux dossiers trop brûlants, rejetées par l’Église depuis plus de dix ans ».
Source : Golias, Christian Terras, 09.04.2014
(1) Lire sur ce site L’Église de France et les dérives sectaires :
[(2) Bernard Dubois, ancien « berger « des Béatitudes a quitté la communauté mais poursuit, pour son compte, ses activités psychospirituelles.]