Nouvelle étude sur les faux souvenirs

Pour comprendre comment fonctionne le processus des faux souvenirs, deux psychologues, Julia Shaw (université de Bedfordshire, Royaume-Uni) et Stephen Porter (université de Colombie-Britannique, Canada) ont élaboré une expérience. Les résultats qui viennent d’être publiés par la revue Psychological Science, montrent comment il est simple de convaincre une personne qu’elle a commis un crime.

Plusieurs dizaines d’étudiants qui n’avaient jamais eu affaire avec la justice ont été recrutés pour l’expérience pensant qu’ils participaient à une étude sur la récupération des souvenirs. Leurs parents, qui se sont engagés à ne pas leur parler de leur participation à l’expérience, ont été soumis à un questionnaire sur la prime adolescence de leurs enfants où ils devaient relater des émotions fortes vécues par leurs enfants durant cette période.
Lors d’un entretien, le chercheur raconte l’anecdote véritable rapportée par ses parents ainsi qu’une autre histoire, tout aussi forte sur le plan émotionnel mais inventée de toutes pièces. Pour la moitié du panel, le récit inventé impliquait les étudiants dans un crime (vol, agression). L’autre moitié était censée avoir subi un gros préjudice (blessure, attaque, perte d’une somme d’argent ayant entraîné un conflit avec les parents).
Le récit fictif était émaillé de détails véridiques.

La remémoration du premier récit ne pose pas de problème au cobaye. Pour le second récit, le chercheur l’encourage à fouiller sa mémoire en exerçant une gentille mais ferme pression sur lui : « si elles font de gros efforts, la plupart des personnes sont capables de retrouver les souvenirs perdus ».
Deux autres entretiens suivent, espacés d’une semaine, durant lesquels les étudiants sont invités à parler des deux récits avec le plus de détails possible.
Les résultats sont impressionnants. Sur la base des détails remémorés, plus des deux tiers des participants ont effectivement cru avoir vécu la fausse histoire. Le plus étonnant est la précision des éléments descriptifs dans les récits fictifs.

Pour Julia Shaw et Stephen Porter, la facilité déconcertante avec laquelle une personne se persuade d’avoir commis un crime tient au fait que les vrais souvenirs se réactivent à l’aide de fragments « vrais » éparpillés et peuvent ne pas avoir de liens directs avec la « fausse » histoire qu’on se remémore. Dans des situations de stress, le sujet peut oublier la source des indices sur lesquels il fonde son souvenir et même qu’ils ont été induits par son interlocuteur.

(Source : Passeur des Sciences, 03.02.2015)