L’A-MCA, futur grand acteur du marché des seniors ?

L’A-MCA, l’agence des médecines complémentaires et alternatives, se présente comme une organisation ayant pour objectif l’encadrement par le gouvernement de l’intégration des quelques 400 pratiques de médecines dites non-conventionnelles dans le système de santé français.  Derrière cet objectif affiché, des intérêts économiques certains.

À la tête de l’agence, Serge Guérin, Véronique Suissa et Philippe Denormandie forment un triumvirat qui s’emploie à démocratiser l’offre en médecines alternatives par le biais du « bien-vieillir ».

Serge Guérin, président de l’A-MCA, a intégré durant la campagne présidentielle l’équipe d’Emmanuel Macron en tant que « relais société civile grand âge ».  Il a pu recruter en tant que « co-relais » Véronique Suissa, l’autre membre fondateur de l’A-MCA et auteure d’une thèse sur l’ « évaluation de l’impact des médecines complémentaires et alternatives chez les patients atteints de cancer ». 

Tous deux ont participé à une réunion de travail au siège de l’ex-République en Marche le 24 février dernier. Le sujet de cette réunion de travail : « Prendre soin des seniors pour le bien-vieillir : pratiques de prévention, soins relationnels/non médicamenteux et médecines complémentaires. » Véronique Suissa a précisé que les thérapies discutées dans le cadre de cette réunion de travail (l’ostéopathie, la relaxation, l’hypnose, la sophrologie et la chiropraxie) sont « inscrites au Répertoire national des certifications professionnelles, s’exercent dans un cadre réglementé ou sont enseignées via des diplômes universitaires ».

C’est dans le cadre de la loi Pécresse sur l’autonomie des universités que des établissements du supérieur sont autorisés à proposer des formations aux contenus pseudo-scientifiques et aux tarifs souvent exorbitants. Regrettant cet état de fait, Fabienne Blum, présidente du collectif Citizen4Science, constate « un laxisme total au niveau des facultés pour éradiquer l’enseignement des pseudosciences, qui sont d’ailleurs historiquement bien intégrées à l’Est du pays et en particulier en Alsace. Idem pour les formations privées agréées par l’État ». Et c’est sur ce territoire, plus précisément à Mulhouse, que se trouvait Emmanuel Macron le 12 avril dernier, quelques jours après les résultats du premier tour. Il y visitait le centre Alister, un centre proposant une formation continue en kinésithérapie dont le programme contient des modules de formation aux pratiques pseudo-scientifiques comme, entre autres, la réflexologie plantaire, le Shiatsu et la sophrologie caycédienne. Les cadres de l’A-MCA affirment n’avoir rien à voir avec la visite d’Emmanuel Macron dans ce centre. On note tout de même une approche similaire entre ce centre et l’A-MCA : l’articulation entre elles de pratiques issues de la médecine dite « conventionnelle » et de pratiques issues de la médecine dite « complémentaire ».

Pour l’A-MCA, démocratiser, systématiser et faire encadrer par l’Etat l’accès aux soins issus de pratiques non reconnues scientifiquement semble répondre à des intérêts d’ordre économique. En effet, le marché des médecines « complémentaires » est en plein essor. Et dans le monde des mutuelles de santé, on l’a bien compris. Selon Philippe Denormandie, le troisième co-fondateur de l’A-MCA, directeur des relations santé du MNH Group (Mutuelle nationale des hospitaliers et des personnels de la santé et du social) : « Au-delà d’une approche de différenciation commerciale, cette activité de la prise en charge par les complémentaires santé de ces médecines complémentaires pourrait prendre demain une place plus importante ».  L’A-MCA anticipe et se positionne dès à présent.

La silver économie ou le marché des seniors.

 Il est un autre secteur en plein essor dans lequel l’A-MCA place ingénieusement ses pions : le marché des seniors. En plus de la fonction de président de l’A-MCA, Serge Guérin est aussi directeur scientifique du pôle santé à l’Institut des hautes études économiques et commerciales, une école de commerce privée. Il y dirige le master « Management et marketing de la silver économie », le marketing dédié aux seniors. C’est par le biais de la formation que l’A-MCA s’invite sur ce marché. Car à partir de la rentrée 2022, les praticiens en soins issus de la médecine « alternative » vont pouvoir s’inscrire auprès de l’A-MCA afin de bénéficier d’une formation complémentaire pour intervenir « auprès des seniors fragilisés par l’âge ou la maladie ». Les formations débuteront en 2023. A ce sujet Véronique Suissa déclare : « Aujourd’hui, des praticiens formés à une MCA, titulaires d’un diplôme reconnu […] ne peuvent pas pour autant intervenir sans formation complémentaire, auprès des seniors fragilisés par l’âge ou la maladie. Ils doivent disposer de qualifications spécifiques pour l’accompagnement de ce public particulier. » 

(Sources : Marianne, 02.05.2022 & senioractu.com, 09.05.2022)