
L’Université Paul-Valéry propose un ensemble d’enseignements transversaux facultatifs en licence qui visent à « repenser les rapports entre l’être humain et son environnement ». Un concept jugé innovant par certains. Inquiétant par d’autres qui dénoncent des « dérives ésotériques ».
Après l’annonce d’un master en « Quantique du leadership » (lire ci-dessous), l’Université Paul-Valéry est de nouveau dans l’œil du cyclone. En Conseil d’administration, une polémique a éclaté au sujet de « dérives ésotériques », voire « sectaires », au sein d’un module appelé « Humanités écologiques ».
Le principe serait de « repenser les rapports entre l’être humain et son environnement en construisant une nouvelle éthique de la connectivité ». Dès 2021, une quarantaine d’enseignants a planché pour concevoir ces cours optionnels dans une approche interdisciplinaire.
« Avec Les Humanités écologiques, on a anticipé les exigences du Ministère de l’Enseignement supérieur qui souhaite que tous les étudiants de licence soient formés à la transition écologique à partir de la rentrée 2025 », expliquait alors Laurent Dormont, codirecteur de cet ensemble d’enseignements transversaux.
Les premiers enseignements ont lieu à la rentrée 2022, avec près de 1 200 inscrits. Mais très vite, des divergences apparaissent sur la nature même de cette « approche sensible ». Certains enseignants privilégient une approche scientifique, d’autres insistent sur des dimensions expérientielles, artistiques voire spirituelles, brouillant les frontières entre recherche académique et développement personnel.
Chants bouddhistes, méditation et pratiques incantatoires
En 2023, les tensions s’exacerbent avec un changement de direction : Angela Biancofiore, professeure d’italien travaillant sur les liens entre écologie et narrativité, prend la codirection du programme. Son approche basée sur le développement personnel et son management suscite des remous.
Le malaise se cristallise autour d’une école d’été organisée en juillet 2023 dans la Creuse et financée par l’Université à hauteur de 14 000 €. Officiellement, l’événement doit offrir une immersion dans les écosystèmes naturels pour expérimenter des approches sensibles de l’écologie. Mais sur place, certains participants tombent des nues : chants bouddhistes, méditation, pratiques incantatoires et discussions sur la « connexion avec l’âme de l’eau ».
À la rentrée 2023, des universitaires signalent ces dérives au déontologue de l›Université. En interne, la direction tente de minimiser l’affaire, affirmant que cette école d›été n›était pas liée directement aux « Humanités écologiques ».
Mais la controverse ne s’arrête pas là. Le 24 novembre 2023, un atelier intitulé « Le travail qui relève » est proposé dans l’enceinte de l’Université. Cette méthode, créée par la psychologue américaine Joanna Macy, vise à reconnecter les individus à la « communauté du vivant » à travers des exercices inspirés du bouddhisme et du développement personnel. Dans une vidéo promotionnelle (supprimée après les premières critiques) on pouvait voir des étudiants en binôme se toucher les mains, tourner en rond, écouter des sons de hiboux les yeux fermés ou encore créer un mandala avec des éléments naturels. Des enseignants et des étudiants s’insurgent. Angela Biancofiore, elle, défend son approche en parlant de « vertu pédagogique » et réfute « toute dimension ésotérique ».
L’Université est de plus en plus sous pression. En janvier 2024, plusieurs universitaires alertent la direction générale des services sur ces dérives, dénonçant une confusion entre formation académique et pratiques spirituelles. L’Université Paul-Valéry reste muette.
Un enseignant s’agace de ce silence rappelant qu’il s’agit « de financements publics et d’une atteinte à la rigueur scientifique ». Comme lui, plusieurs intervenants plaident pour un retour à une approche plus rationnelle craignant un cheval de Troie d’une dérive spirituelle dans l’enseignement universitaire. La direction n’a pas souhaité débattre avec les journalistes sur cette polémique.
(Source : le Poing, 17.02.2025)
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