A l’occasion de la visite de Catherine Picard, présidente de l’Union nationale des ADFI (Associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes), Lucien Zecler, président de l’ADFI Martinique qu’il a créée en 1994, fait un point sur l’activité sectaire et sur la prévention dans le département.
 

Dans les années 1990, la Martinique a été directement touchée par le phénomène sectaire : une martiniquaise et de sa fille avaient échappé au suicide collectif de l’Ordre du Temple Solaire. Lucien Zecler fut l’un des premiers à avoir alerté les autorités sur les dérives de ce mouvement. Suite au drame, il a rapidement jugé qu’il fallait créer une association pour accueillir les parents.
 

Dans les années 1990, la recherche auprès des groupes sectaires répondait à un questionnement métaphysique, aujourd’hui, elle est existentielle. Ce déplacement des préoccupations donne libre cours à un florilège de thérapeutes, guérisseurs, médecines parallèles ou alternatives. Aux Antilles et aux Caraïbes, il y un retour vers ces médecines basées sur l’utilisation de plantes pas toujours efficaces. Quand la médecine classique échoue, c’est ce type de médecine qui est utilisée. Tous les groupes qui promettent santé et guérison ne sont pas forcément des sectes mais peuvent à n’importe quel moment dériver vers un fonctionnement sectaire. « Le problème est de savoir à quel moment un groupe qui semble anodin bascule dans un comportement qui est en dehors de la légalité ».
 

Lucien Zecler attend de Catherine Picard qu’elle apporte un éclairage sur l’évolution du phénomène sectaire en Métropole (lire l’encadré ci-contre). Il déplore le manque de visibilité de l’activité sectaire en Martinique. Il regrette également le manque de concertation sur les cas de dérives sectaires et le manque d’implication des autorités locales : comme tous les départements français, la préfecture de Martinique devrait réunir une commission annuelle ; si elle a lieu, l’ADFI n’en est pas informée, pas plus qu’elle est interrogée par la Miviludes.
 

La difficulté spécifique aux territoires d’outre-mer est que les gens n’osent pas parler, car « dans un petit pays, tout se sait. Il y a toujours la peur des représailles et des menaces ». 
Aujourd’hui, l’ADFI Martinique privilégie la prévention. Elle ne conseille plus systématiquement aux victimes de porter plaintes et préfère communiquer de l’information à destination de ses membres et des personnes qui signalent des cas à l’association. Il s’agit de mises en garde, de mise à disposition d’outils pour déterminer la dangerosité d’un groupe. Les maîtres-mots sont l’information et la vigilance.
 

(Source : France-Antilles, Christian Tinaugus, 17.06.2014)
 

Catherine Picard s’est rendue à Fort de France pour marquer les 30 ans de la création de l’ADFI locale. À cette occasion, elle a donné une conférence sur la problématique sectaire aujourd’hui.
 

La présidente de l’UNADFI a expliqué que la relative accalmie de l’activité sectaire en Martinique est trompeuse : « les mouvements sectaires sont toujours actifs et leurs domaines d’intervention ont été élargis », celui de la santé est le plus récurrent. Mais ils n’ont pas pour autant délaissé les champs dans lesquels ils ont toujours sévi comme la formation ou l’éducation.
 

Pour Catherine Picard, chacun a le devoir de signaler des situations : « Le travail d’alerte des cas d’embrigadement sectaire est l’affaire de tous », des associations en particulier. Et « le travail des associations n’a de sens que s’il est relayé par les services de l’État. » 
La prévention est un autre axe de mobilisation. Catherine Picard préconise la formation du personnel sanitaire et social, des agents du ministère de l’Education nationale et de la Justice.
 

Concernant la situation en Martinique, la représentante de l’UNADFI déplore « un manque de prise en compte institutionnelle » du phénomène. L’absence d’état des lieux de l’activité sectaire en est la preuve.
 

(Sources : France-Antilles, Adams Kwateh & Megane Labinsky, 21.06.2014)