Violences ordinaires derrière l’image d’Épinal

Les pédagogies alternatives séduisent des parents en quête d’une éducation personnalisée pour leurs enfants, mais les belles promesses cachent parfois une dure réalité. C’est au dépend de leurs enfants, scolarisés dans une école Steiner, que deux mères de famille l’ont découvert. Slate livre leurs témoignages accompagnés de paroles d’experts qui expliquent comment les concepts anthroposophes, sur lesquels repose l’éducation Waldorf, peuvent mener à des abus et des violences.

Inscrire son enfant dans une Ecole Waldorf c’est accepter qu’il reçoive un enseignement basé sur le dogme religieux conçu par Rudolf Steiner. Mais cela, les parents non anthroposophes ne le savent pas. Marc Giroud, qui a été éducateur en école Steiner-Waldorf durant les années 1980, confirme que durant la formation d’éducateur, non seulement seuls les écrits de Steiner sont étudiés, mais on apprend aux professeurs à mentir dans l’intérêt de l’école.

Marianne, qui a vécu avec son fils de deux ans et demi dans un écovillage du sud de la France doté d’une école Steiner sous contrat, et Bettina, dont l’enfant a été scolarisé quelques mois dans une école Waldorf du Québec, racontent des expériences similaires en dépit de la distance qui les sépare.

Après l’entrée à l’école de leurs fils, les changements de comportement n’ont pas tardé à se faire sentir. Le fils de Bettina a rapidement été réticent à se rendre en classe et s’est renfermé sur lu-imême. Lorsqu’elle a voulu savoir ce qui se passait, la maîtresse lui a répondu que « ce qui peut se régler à l’école se règle à l’école ». « Les enseignants cultivent l’idée de jardin secret chez les enfants et leur apprennent à ne pas partager avec leurs parents », constate Bettina. Constatation partagée par Marianne dont le fils est un jour revenu de l’école en lui disant « Maman, je dois arrêter de t’aimer pour m’occuper de moi tout seul ». Une autre fois, rentré avec un lutin donné par sa maîtresse, il a expliqué à sa mère qu’il ne devait plus confier ses problèmes qu’à celui-ci.

Le culte du secret va jusqu’à la dissimulation d’actes de violence entre enfants, non stoppés par les adultes qui considèrent ces affrontements comme normaux. Bettina, dont le fils a fini par avouer pour quelles raisons il ne voulait plus aller à l’école, a expliqué qu’il était la cible d’un élève de six ans qui le frappait et le griffait. Marianne, qui habitait près de l’école de son fils, l’a vu se faire rouer de coups dans la cour de récréation. Dans les deux cas, les adultes ne sont pas intervenus pour faire cesser les violences, mais ont suggéré à Bettina de faire appel à un conseiller en résilience pour son fils.

Cet attentisme des adultes n’a rien de surprenant, il est en adéquation avec les croyances anthroposophes sur le karma. Grégoire Perra, ancien professeur en école Steiner, explique qu’« On laisse délibérément les enfants sans surveillance. Il faut laisser le karma s’accomplir et laisser les âmes s’affronter. » En effet, « Les anthroposophes croient en la réincarnation » explique Marc Giroud, « pour eux, les enfants ont choisi leurs parents, leur école et ce qui leur arrive » et « Une intervention inappropriée ferait reculer l’enfant dans son karma et il ne pourrait pas compenser ensuite. »

Mais selon Grégoire Perra, ces violences toucheraient davantage les enfants non anthroposophes ou qui arrivent en cours de scolarité. Et cela serait pire s’ils ne sont pas blancs. Il se souvient que les enfants de son ex-compagne, d’origine afrocolombienne, étaient insultés sur la couleur de leur peau. Elisabeth Feytit, créatrice du podcast Meta de Choc, en explique la raison : « Pour Steiner, il y a des races dominantes aux différentes étapes de l’humanité », la race aryenne étant celle qui dominerait aujourd’hui. Cette conception raciale de l’humanité a pour origine la Théosophie d’Helena Blavatsky.

Grégoire Perra conclut : « C’est un racisme qui n’a même pas conscience de lui-même. Pour eux, c’est normal d’agir ainsi. Ce sont des conséquences objectives de leurs croyances. »

(Source : Slate, 04.01.2021)

 

  • Auteur : Unadfi