Mise au point sur une série d’articles sur l’Anthroposophie parus dans Le Monde

La publication mi-juillet d’une série d’articles du Monde sur l’Anthroposophie a déclenché une avalanche de critiques de la part de la communauté pro sciences active sur les réseaux sociaux.

Le ton bienveillant des cinq doubles pages dont a été l’objet le mouvement fondé par l’occultiste Rudolf Steiner a étonné les journalistes qui ont enquêté sur celui-ci ces dernières années. Plusieurs des témoins et chercheurs interviewés par les journalistes du Monde s’insurgent de la façon dont ont été utilisés leurs propos. Quant au principal opposant au mouvement, Grégoire Perra, il a refusé que ses déclarations apparaissent dans le quotidien. Mais il est apparu sous un jour très défavorable dans l’un des articles qui mentionnait une affaire de moeurs pour laquelle il aurait quitté l’école où il enseignait, tout en restant encore actif pendant de nombreuses années dans les hautes sphères du mouvement.

Afin d’y voir plus clair, le média Arrêt sur images et le journal Marianne ont donné la parole aux chercheurs, journalistes et témoins, dont les propos n’ont été que partiellement ou pas retranscrits, ainsi qu’aux cinq journalistes du Monde.

Si certains chercheurs, comme Aurélie Choné, autrice d’une thèse sur Steiner, ont été longuement cités, en oubliant de mentionner que ses écrits apparaissent dans les publications anthroposophes, d’autres, regrettent que leur propos les plus critiques n’aient pas été retenus, à l’instar de l’historien Stéphane François, rappellant que Rudolf Steiner « était un occultiste, antirationnel, antivaccin, antimodernité et antiscience ».

Stéphanie de Vanssay, enseignante dans l’Éducation nationale et observatrice attentive de la pédagogie Steiner, regrette que le Monde n’ait pas retenu ses avertissements sur l’utilisation du manuel de Karl Stockmeyer, « exégèse pédagogique des paroles de Steiner publiée en 1955 », où est déconseillé l’apprentissage des sciences et de l’histoire avant 13 ans. Le manuel figurait encore sur le site de la Fédération des écoles Seiner-Waldorf en 2019. Mais Violaine Morin, l’autrice de l’article du Monde sur les écoles Steiner, a préféré accorder sa confiance à la Fédération après avoir visité longuement une école. Pourtant, explique Grégoire Perra, lorsqu’il était professeur, il lui a été demandé plusieurs fois d’adapter ses cours spécialement lors des contrôles de l’Education Nationale…

Du côté des journalistes, les réactions ne se sont pas fait attendre. Le site de vérification de faits Fact and Furious révèle rapidement l’existence « d’un dossier de presse préparé à l’intention du Monde par Louis Defèche, le représentant pour la France du Goetheanum (siège officiel de l’anthroposophie) », et démontre, capture d’écrans à l’appui, que les références à ce dossier de presse sont nombreuses dans les articles.

Les journalistes d’Arrêts sur images reviennent, quant à eux, sur les nombreuses enquêtes journalistiques publiées ces dernières années et passées sous silence par Le Monde. Ainsi, l’enquête en deux volets de Jean- Baptiste Malet publiée dans Le Monde Diplomatique en 2018, dont le but était, selon le journaliste, « d’énoncer la critique d’une écologie spiritualiste et de ses impasses ». Olivier Hertel a révélé pour Sciences et Avenir un scandale lié à l’utilisation illégale d’un médicament à base de gui produit par la firme anthroposophe Weleda et plusieurs autres enquêtes se sont penchés sur les défaillances de la pédagogie Steiner et sur des cas d’abus sexuels survenus au sein d’écoles Steiner.

Le Monde a également passé sous silence les polémiques que suscite le mouvement dans plusieurs pays d’Europe comme en Grande-Bretagne où plusieurs écoles sont sur la sellette, en Allemagne où la presse les a épinglées pour s’être souvent opposées aux masques, puis aux vaccins.

Jean-Loup Adénor du journal Marianne a, quant à lui, donné la parole à plusieurs victimes dont certaines ont vu leur témoignages évincés ou minimisés par le Monde. C’est le cas de Marc Giroux, ancien professeur d’une école Steiner. Il ne mâche pas ses mots devant la une du Monde avec la photo de Rudolf Steiner qu’il dépeint comme « un gourou, un individu médiocre et manipulateur. ». Pour l’ancien professeur, la « pédagogie Steiner n’en est pas une, c’est une religion, une mystique » qui a « pour but de préparer les enfants à rencontrer le Christ cosmique ».

Thomas, dont le témoignage n’a pas été retenu par le Monde, raconte pour Marianne son passage dans un jardin d’enfant pratiquant la pédagogie Steiner. Il se souvient de discours antivaccination et de la promotion des produits Weleda. Sa sœur dyslexique n’y a pas trouvé d’aide. « Beaucoup d’enfants handicapés ou avec des retards d’apprentissage se retrouvent dans ces écoles, mais les professeurs ne sont pas formés pour les accompagner » déplore-t-il.

Marianne Dubois, dont le fils était scolarisé dans le Sud de la France, en veut au journal d’avoir minimisé son témoignage, discréditant ainsi le vécu de son fils et « culpabilisant les familles d’avoir mal compris une situation. »

(Sources, Arrêt sur images, 26 & 27.07.2021 & Marianne, 22.07.2021

  • Auteur : Unadfi