L’homme qui a fait tomber Bivolaru

Les policiers ont frappé fort, ce 28 novembre, au sein du MISA en France. Bilan : 41 interpellations, 15 mises en examen et 6 placements en détention provisoire dont celle du gourou-fondateur Gregorian Bivolaru. Dans les coulisses : dix ans d’enquête. Et surtout un homme : Hugues Gascan.

Il est ce qu’on appelle un lanceur d’alerte.  Hugues Gascan est directeur de recherche et responsable d’une unité de l’Inserm au CHU d’Angers. En 2003, il recrute deux personnes proches d’un groupe de yoga tantrique baptisé Ashram Shambala. Son laboratoire est peu à peu déstabilisé et doit même fermer en 2010. Il veut comprendre et s’intéresse à ce groupe ainsi qu’au Misa. D’abord seul, puis avec un groupe de collègues.

Il découvre que le Misa est présent dans 34 pays, avec des organisations spécifiques, et que la tête de proue est en France. Des associations de lutte contre les dérives sectaires ont l’œil sur ce mouvement tentaculaire. Mais il y a très peu de signalements en France. Ce qui intrigue Hugues Gascan. Il investigue et, pour passer à la vitesse supérieure, crée son propre groupe d’étude du phénomène sectaire (GéPS). En épluchant la presse internationale, il trouve de nombreux témoignages de victimes en Argentine, Nouvelle-Zélande ou encore Australie. Et comprend que Bivolaru, le chef du Misa, faisait venir ses « proies » de l’étranger pour leur « offrir une initiation » (autrement dit les abuser sexuellement) en évitant d’impliquer des Françaises dans ses pratiques. Il est évidemment plus difficile pour des victimes, de retour chez elles à des milliers de kilomètres, de faire valoir un préjudice et de porter plainte. Alors, il y a deux ans, avec une collègue, il a recueilli ces témoignages de femmes un par un, les a fait traduire et les a soumis à la Miviludes qui, dit-il, « a fait un travail remarquable ». Le dossier a été confié à la Cellule d’assistance et d’intervention en matière de dérives sectaires (Caimades). De nombreux policiers ont alors été mobilisés sur cette affaire hors normes qui a conduit, ce 28 novembre, à un coup de filet avec 41 interpellations dont celle du gourou, décrit comme un érudit ambivalent, auteur de textes complotistes, un homme à deux visages.

Mais aujourd’hui, Hugues Gascan en est persuadé, les victimes qu’il a contactées ne représentent qu’une petite partie de l’iceberg. « Elles craignent des représailles pour elles, et pour leur famille. Très peu se sont manifestées ». Gregorian Bivolaru lui-même affirme avoir couché avec plus de 1000 femmes. A défaut de plaintes, des regroupements de femmes luttant contre les pratiques tantriques semblent émerger. 

 (Source : Le Point, 12.12.2023)

  • Auteur : Unadfi