La Nef (Nouvelle Economie Fraternelle), la plus importante banque éthique de France, dont le siège se trouve à Vaulx-en-Velin (69), rencontre un fort succès auprès de plusieurs municipalités écologistes ou proches. En 2021, six villes (Lyon, Bordeaux, Montpellier, Strasbourg, Besançon est Nantes) ont contracté des prêts compris entre deux et quatre millions d’euros, jusqu’à huit millions lorsque la métropole emprunte aussi. Dans plusieurs villes, des élus de l’opposition ont dénoncé cette coopération en raison de la genèse anthroposophe de la banque. Ses dirigeants actuels assument cette origine mais ils affirment ne plus entretenir de liens avec l’anthroposophie. Afin de désarmer ses adversaires, la banque a décidé de passer à l’offensive.
Pour que son image ne soit plus entachée par l’anthroposophie dont la réputation lui nuit régulièrement, elle a présenté lors de son conseil de surveillance (CS) du 25 janvier 2023 une stratégie en trois axes. La Tribune de Lyon qui a pu en prendre connaissance en a dévoilé les grandes lignes dans ses colonnes.
Premier axe, rompre tous liens avec l’anthroposophie. La banque, qui a suspendu ses financements aux écoles Steiner depuis 2019, entend poursuivre en ce sens tant que celles-ci feront l’objet de signalements dans les rapports de la Miviludes et ce même si, selon le procès-verbal du CS, « cette décision est douloureuse et nous sommes bien placés pour savoir que les rapports de la Miviludes doivent être soumis au doute ». La Nef va aussi retirer de sa liste de bénéficiaires deux organisations d’inspirations anthroposophiques, interdisant ainsi aux épargnants de leur reverser leurs intérêts.
La Nef prévoit également de systématiser une contre-offensive judiciaire contre ceux qui la diffamerait. Selon la Tribune de Lyon, ses principales cibles seraient la Miviludes, la presse, et les lanceurs d’alerte.
Enfin, la Nef souhaite réaffirmer son « indépendance politique, idéologique et spirituelle ». Selon l’établissement bancaire, « la Nef n’est pas plus qu’hier anthroposophe, il convient, sans renier nos origines, de refonder la Nef autour de ce concept d’indépendance ». Une évolution qui pourrait l’amener à changer ses statuts et son nom, selon le journal.
D’après un article de Lyon Capital, paru en novembre 2022, trois membres du CS auraient été liés à l’anthroposophie. Deux d’entre eux ont démissionné en janvier et mars 2023.
Si dans certaines villes, comme Montpellier, les prêts sont passés quasi inaperçus, à Lyon le groupe d’opposition « Pour Lyon » a réagi en novembre 2022 en envoyant un courrier à la secrétaire d’État chargée de la Citoyenneté, Sonia Backès. Néanmoins depuis la parution, le 28 septembre, d’un article dans le journal montpelliérain, le Poing, la municipalité a décidé d’étudier « avec attention ces remarques et prendre les décisions qui s’imposent si ces liens avec une mouvance aux potentielles dérives sectaires étaient avérées ».
Selon Pernelle Richardot, élue socialiste à la municipalité de Strasbourg, « Il existe une connexion entre une partie des écologistes et le milieu anthroposophique ». En juillet dernier, elle s’était indignée auprès de l’Express du versement d’une subvention de 12 000 euros par la ville de Strasbourg à une école Steiner.
L’Express qui a interrogé plusieurs des villes citées au sujet de leur relation avec la Nef n’a reçu qu’une réponse de Besançon. La ville, qui note que la Nef n’est citée qu’une fois dans un rapport de la Miviludes, explique avoir choisi cette banque en raison de « critères tels que la transparence financière, les actions environnementales et climatiques ou en matière de responsabilité sociale ».
(Sources : La Tribune de Lyon, 22.09.2023, L’Express, 26.09.2023 & Le Poing, 28.09.2023)