Les femmes premières victimes du développement personnel

Une émission de Radio France s’est interrogée sur le développement personnel et plus particulièrement sur son impact sur les femmes. Elles sont en effet les plus grandes consommatrices et premières victimes de cette mode devenue un véritable business.

La galaxie du développement personnel, qui a débuté dans les années 1990, s’est étendue à des cours et ateliers, des podcasts ou encore des post Instagram ou TikTok avec pour crédo l’idée de mieux se connaître, d’aller mieux et de prendre soin de soi, de s’épanouir grâce à des pensées positives. Ces injonctions vont alors toucher à la fois la santé physique et psychologique.

Pour Camille Teste, professeure de yoga et autrice du livre Politiser le bien-être, l’idée de développement personnel entraîne une culpabilisation : « si ça va mal, c’est notre faute : nous n’avons pas encore assez travaillé sur nous ! ». Cette idée viendrait de la culture néolibérale qui réussit à nous faire croire que les circonstances actuelles ne sont pas la cause de nos malheurs.  L’idée du développement personnel est bien de faire croire qu’à grand renfort de mantras, d’ouvrages ou de cours nous pouvons aller mieux, que nous sommes seul responsable de notre bien-être, en dépit de ce qui nous entoure. Le développement personnel devient alors un véritable but à atteindre.

De son côté Jennifer Padjemi, autrice de Selfie : comment le capitalisme contrôle nos corps, analyse les recommandations du développement personnel comme une vision biaisée de la société. En effet, elles sont bien souvent destinées à l’intention des personnes valides et privilégiées au capital économique important. Là-aussi, la culpabilité touche ceux qui ne peuvent pas entrer dans la course du développement personnel à cause d’inégalités et/ou de discriminations. Le développement personnel prétend aussi réduire les inégalités hommes/femmes et les déséquilibres au sein des couples. Les femmes se tournent alors vers des ouvrages, des cours pour trouver des solutions alors qu’il s’agit d’inégalités systémiques dont elles n’ont pas à se sentir coupables. 

Les vertus émancipatoires qui pourraient être liées à la notion de développement personnel sont dévoyées   car elles poussent en fait à la consommation. Pour Jennifer Padjemi « on nous vend toujours de nouveaux modèles. On croit en être sortis et à chaque fois, en fait, non. On nous promet l’idée de devenir plus beaux, plus grands, plus minces, plus heureux ». Les réseaux sociaux amplifient le phénomène en imposant de nouvelles normes au détriment d’un réel soin de soi. Pour l’autrice Mona Chollet, le « self care » s’est coupé « de ses racines militantes et minoritaires » pour devenir un « outil de contrôle social. Le développement personnel sert aussi à prôner une positivité aliénante et à interdire l’expression de la colère, de la tristesse, du désespoir. Il est devenu un emplâtre sur une jambe de bois, une réponse systématique opposée aux pires situations de la vie : deuil, oppression, violence, pauvreté… » 

(Source : Radio France, 28.04.2023)

  • Auteur : Unadfi