A la fin du mois de septembre 2023, Le Parisien a publié une enquête en quatre volets sur l’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre. Cette investigation se base sur les témoignages d’anciens et actuels membres du groupe. Ils dépeignent l’emprise spirituelle et la tyrannie exercées par les leaders ainsi que le mode de vie luxueux des dirigeants.
L’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre a été fondée il y a 30 pas deux abbés français : Gilles Wach et Philippe Mora. Ayant son siège près de Florence en Italie où se situe également une école de formation à la prêtrise, le groupe aurait plus de 130 prêtres en exercice dans le monde dont une quarantaine en France. Leurs messes célébrées en latin attirent de nombreux adeptes désirant un retour aux rites anciens. L’Institut appartient à la mouvance traditionaliste mais demeure tout de même sous l’autorité du Vatican. Il bénéficie de nombreux soutiens à travers le monde et entretient de bonnes relations avec l’association catholique ultra conservatrice TFP (Tradition, Famille, Propriété). Ses membres bénéficient aussi régulièrement d’espaces de parole sur les sites « le salon beige » ou « Riposte Catholique » suivis et reconnus dans les milieux d’extrême droite catholique. Un spécialiste des milieux traditionnalistes décrit le groupe comme « la dernière vraie cour d’Europe ». En effet, dans leur villa italienne les dirigeants mènent une véritable vie de palais avec en prime la « nostalgie de l’Ancien Régime et de ses privilèges » comme le décrit un ancien séminariste.
Pour son enquête Le Parisien a donné la parole à d’anciens membres qui ont quitté le groupe volontairement ou ont été poussés vers la sortie avec plus ou moins de rudesse. La parole a aussi été donnée à des membres actuels du groupe ou des proches de membres.
La plupart dénoncent le train de vie luxueux des responsables du mouvement allant totalement à l’encontre d’une certaine sobriété prônée par l’Eglise. Ils organisent régulièrement de grandes fêtes luxueuses avec des banquets coûteux et des invités prestigieux comme le cardinal américain ultraconservateur Raymond Burke ou encore Jean-Marie Le Pen venu en 2016 pour l’ordination de son filleul. Ces excès et dépenses onéreuses sont financés par l’argent récolté auprès de très riches bienfaiteurs ou des dons des fidèles. Monseigneur Wach, co-fondateur de l’Institut, mène lui aussi un train de vie luxueux et de nombreux témoignages font état de sa gouvernance autoritaire, le décrivant comme « un ecclésiastique machiavélique », « irascible », « omnipotent »…. Il utilise les séminaristes comme de véritables hommes à tout faire : chauffeur, cireur de chaussures, porteur de bagages. Les religieuses de la communauté sont elles aussi utilisées comme de véritables esclaves.
La hiérarchie est importante dans l’Institut et les abus de pouvoirs semblent légion. Pour être intégré il faut une obéissance aveugle, les rebellions, les critiques de la hiérarchie ou de ses décisions entraînent des menaces, un ostracisme et une exclusion du groupe. Les témoignages montrent l’autoritarisme des supérieurs et les humiliations subies notamment pendant la formation au séminaire. Les questions et critiques sont mal vues et tous doivent adopter la pensée unique du groupe. À l’Institut, on n’aime pas les séminaristes trop intellectuels, parce que ça pense, et penser, c’est commencer à désobéir » admet un témoin. De nombreuses lectures sont proscrites, téléphone et réseaux sociaux sont interdits, mails et courriers sont lus avant envoi. Si le détachement est prôné pour mettre en place ces règles, les témoignages font état d’une véritable volonté de contrôle avec en ligne de mire la menace de sanctions notamment d’exclusion. Ils montrent aussi le harcèlement psychologique subis par des élèves de la part d’ainés ou encore l’obligation de suivre des thérapies de conversion en cas de révélation d’homosexualité. Les frais de pensions des séminaristes sont élevés pour des conditions de vie déplorables. En plus des frais, ils sont encouragés à faire des présents à leur hiérarchie en guise de reconnaissance de sa bonté.
Il règne un véritable culte du secret et les exclusions se font en catimini afin que les exclus ne communiquent pas ou peu avec les autres membres. Les prêtres se trouvent aussi dans l’obligation de mentir lors d’enquêtes canoniques. Selon Le Parisien, deux prêtres du groupe ont été condamnés pour pédophilie, dont l’un en France mais sur cela aussi le secret semble régner.
Les associations comme l’Aide aux victimes de dérives dans les mouvements religieux en Europe et à leurs familles (Avref) alertent depuis une dizaine d’années sur les dérives de l’Institut. Quant à la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) elle affirme avoir reçu des signalements sur le groupe tout comme le Centre d’information et d’avis sur les organisations sectaires nuisibles (CIAOSN) situé en Belgique. Le groupe est aussi surveillé par la cellule « emprise et dérives sectaires » de la Conférence des évêques de France » qui voit dans cette communauté des « signes de dérives sectaires ». Des ex-adeptes de l’Institut ont eux aussi monté un collectif afin d’en dénoncer les pratiques.
Malgré, l’ensemble des signalements et témoignages, des diocèses français continuent de signer des conventions avec l’Institut, le manque de prêtres poussant les évêques à accueillir n’importe qui.
(Source : Le Parisien, 29.09.2023)
Pour aller plus loin, écouter le Podcast du Parisien sur l’enquête : https://podcasts.leparisien.fr/le-parisien-code-source/202310021631-emprise-signes-de-derives-sectaires-linstitut-du-christ-roi