Chaque année, les signalements auprès de la Miviludes dans le domaine de la santé augmentent, tandis que plusieurs scandales ont éclaté dans les médias après les décès de clients ayant suivi les conseils douteux de pseudo-thérapeutes. Une question s’impose : comment lutter contre ces dérives thérapeutiques ?
Mathieu Repiquet, étudiant en médecine et membre du collectif NoFakeMed, s’est emparé de cette épineuse question. Après avoir analysé la littérature scientifique sur le sujet, le jeune homme a identifié plusieurs pistes.
Il insiste notamment sur le flou que constitue, pour le consommateur, les nombreux termes qui existent pour désigner ces pratiques : pratiques de soins non conventionnelles (PSNC), « médecines douces ou naturelles… », interventions non médicamenteuses (INM)… Il est donc difficile pour le patient de distinguer les pratiques pouvant être efficaces, comme l’activité physique adaptée ou les psychothérapies, des méthodes douteuses comme l’homéopathie, l’iridologie, le décodage biologique, ou encore les « thérapies quantiques ».
L’étudiant souligne la nécessité de mener des évaluations de qualité sur ces pratiques, en se penchant à la fois sur leur efficacité et leur sécurité. Il rappelle que si certaines pratiques sont exemptes de risques intrinsèques, la plupart des PSNC comportent des risques indirects, comme le retard de prise en charge ou la perte d’argent.
Pour expliquer le succès des PSNC, Mathieu Repiquet évoque en premier lieu la défiance envers les autorités politiques, scientifiques et médicales, notamment à cause des conflits d’intérêts et des multiples scandales sanitaires. Il insiste aussi sur les conséquences concrètes de mauvaises expériences dans le parcours de soins des patients qui peuvent subir des consultations expéditives, un manque d’écoute ou d’empathie…
Mais il souligne que les praticiens de PSNC reproduisent parfois eux-mêmes des comportements reprochés à la médecine conventionnelle, en réalisant des partenariats avec des entreprises de compléments alimentaires et d’huiles essentielles ou en publiant des contenus sponsorisés sur les réseaux sociaux. Une forme de désinformation, selon Mathieu Repiquet, qui contribue à des comportements de santé non optimaux, comme l’hésitation vaccinale.
Pour améliorer les choses, il semble donc primordial de résoudre les problèmes structurels liés au système de santé et à la prise en charge des patients, en les impliquant notamment davantage dans les politiques de santé. Mathieu Repiquet insiste sur la nécessité de mieux doter le système de soin français, afin que les professionnels de santé puissent consacrer le temps nécessaire à chaque patient. Actuellement, la prise en charge est centrée sur un organe, conséquence de la surspécialisation de la médecine : le domaine d’expertise de chaque soignant est donc restreint. Il est donc nécessaire de pouvoir coordonner la prise en charge des patients entre plusieurs professionnels de santé, ayant chacun une expertise différente.
Mathieu Repiquet rappelle néanmoins que d’ici à ce que ces améliorations se matérialisent, il est primordial d’informer les patients sur la réalité des PSNC. Il est difficile pour les patients de se repérer dans la masse d’informations disponibles sur les PSNC. Il faut notamment souligner l’impact d’une exposition quasi permanente à de fausses informations, par exemple via la presse ou des ouvrages grand public. Le jeune homme met également en cause les résultats proposés par les moteurs de recherche, qui valorisent des informations fausses et promotionnelles sur ces pratiques, les sites de qualité étant généralement moins bien référencés.
Pour une meilleure information de la population, il propose qu’une institution de confiance, comme l’INSERM ou le ministère de la Santé et de la Prévention, réalise des fiches de qualité sur chaque pratique destinées à devenir une source de référence pour les consommateurs.
L’étudiant souligne enfin le retard des politiques publiques sur le sujet. Il rappelle l’absence de mesures prises suite au rapport du Sénat sur les PSNC en 2013, et déplore le manque de moyens de la répression des fraudes (DGCCRF) et de la Miviludes, ainsi que la faible implication d’autres institutions sur le sujet, comme les ARS [Agences régionales de santé], l’Ordre des médecins, Santé Publique France, l’ANSM…
Pour finir, Mathieu Repiquet questionne la présence de l’Agence des médecines complémentaires adaptées (A-MCA) dans le groupe de travail ministériel formé courant 2023 (auquel participe l’UNADFI), en rappelant que cette agence autoproclamée est liée à des puissances financières directement concernées par ces politiques publiques, et qu’elle promeut activement des méthodes pseudoscientifiques, comme la réflexologie et l’homéopathie.
(Source : Marianne, 12.10.2023)