Le gourou du kung-fu devant la justice

Au tribunal correctionnel de Paris, Élysée Ade était jugé pour « abus de faiblesse par sujétion psychologique » et pour une agression sexuelle aggravée. Le 10 octobre 2022, le parquet a requis 4 ans d’emprisonnement, dont un ferme, contre Elysée Ade, soupçonné d’avoir mis sous emprise 22 personnes, majoritairement des femmes, entre 2009 et 2015.

Ce franco-béninois de 53 ans a constitué un groupe autour de théories du complot, préceptes New Age, taoïsme et découverte des énergies sexuelles. Il avait commencé dans les années 2000 par dispenser gratuitement au parc de la Villette des séances de kung-fu « pratiquées jusqu’à l’épuisement ». Dans un second temps, des sessions privées et obligatoires de thérapie (50 euros la séance) ont été instaurées, sans qu’Elysée Ade ait le moindre diplôme en la matière. Puis, des ateliers de groupe ont été mis en place pour faire découvrir aux femmes leur « énergie sexuelle ». C’est dans ce cadre qu’a eu lieu l’agression sexuelle dont l’homme est accusé. Progressivement, son emprise se serait installée au point de contrôler la vie privée de ses adeptes : leurs lieux de vie, leurs couples ou leur poids.

Se présentant comme un autodidacte en informatique, en journalisme et en trading. Élysée Ade crée une entreprise avec les membres de son groupe, invités à investir une somme équivalente à 10 000 euros, soit la majorité du capital dont il possédait 80% des parts. Ce commerce qui a vocation, entre autres, à concevoir et fabriquer des vêtements n’a rien produit en 10 ans. L’une des femmes du mouvement a affirmé à la barre que les premiers produits seraient commercialisés à l’international l’année prochaine, se félicitant en particulier de la création d’une pièce exclusive: la chaussure à talons en cuir arc-en-ciel (encore maintenue par du scotch…), précieusement apportée dans une valise pour l’exhiber devant les juges…

Au fur et à mesure des années, Elysée Ade a étendu son domaine de compétences avec également des cours de taoïsme, des thérapies et « cours d’éveil », diffusant les théories du complot sur les chemtrails (l’idée que les traînées d’avions sont en fait des épandages chimiques illégaux). Ses formations sexuelles s’inscrivaient dans une démarche de professionnalisation des femmes puisque l’objectif était de les faire devenir des FOX (Female Orgasm Expert), expertes capables d’« atteindre la 8e porte orgasmique », et d’être habilitées ensuite à donner dans le monde entier des conférences sur le sujet afin d’accompagner les femmes qui le souhaitent. Les thérapies sexuelles, souvent collectives, avaient lieu à son domicile où se trouve également sa femme.

En 2010, un ancien adepte est exclu pour avoir remis en cause la théorie sur les chemtrails et décide alors de faire un signalement sur le gourou. Les ennuis judiciaires débutent pour Elysée Ade. Plusieurs membres s’émancipent du groupe, subissant beaucoup de violence verbale en retour.

A son procès, le maître spirituel, que ses fidèles sont venus soutenir, se défend avec un aplomb déconcertant.

La procureure, relève un « état de dépendance » des adeptes avant de souligner le discours « identique » des témoins : « aucun n’est spontané, aucun n’est authentique ». Elle parle ainsi d’une « pensée unique » et demande que pour ces « faits graves, qui ont duré longtemps et où les victimes sont nombreuses », la partie ferme de la condamnation soit assortie d’un mandat de dépôt. Verdict attendu en décembre.  

(Sources : Sud Ouest,  11.10.2022 & Elle,  03.10.2022 & Le Parisien, 05.10.2022)

  • Auteur : Unadfi