Abus sexuels, dérives sectaires, travail dissimulé… la liste des abus est longue dans les « communautés nouvelles ». Pourtant l’Église catholique a beaucoup de mal à les reconnaître et à prendre des mesures pour les endiguer.
Les communautés dites nouvelles n’ont pas toutes le même profil, mais traditionalistes ou charismatiques elles ont pour point commun d’être nées récemment en réaction au déclin de l’Église. Leur développement a été favorisé par l’Église qui voit une aubaine dans cette nouvelle source de croyants.
Le journal Témoignage Chrétien dresse un état des lieux et passe en revue diverses communautés pointées du doigt pour leurs déviances.
Fondées en opposition à la société matérialiste, les communautés nouvelles se perçoivent « comme le nouveau visage de l’Église » dont elles seraient les sauveuses envoyées par l’Esprit Saint, explique Xavier Léger un ex adepte des Légionnaires du Christ1. Considérant que l’Église est menacée, leurs adeptes pensent que leur mission est de combattre « les forces obscures » qui « précipitent le monde toujours plus loin dans la déchéance morale et le relativisme ». Il précise que, d’après eux, « le monde est mauvais et court à sa perte. Ce discours permet de justifier les normes très strictes qui encadrent la vie des membres de la communauté, et notamment leurs relations avec le monde ».
Les communautés religieuses peuvent être de droit diocésain, sous l’autorité de l’évêque, ou de droit pontifical ne répondant qu’à l’autorité du Pape. Une communauté sectaire cherchera le statut qui permet d’échapper à tout contrôle. Par exemple, si un évêque lui est favorable, elle demandera à dépendre de son diocèse.
Abus sexuels, abus de pouvoir, esclavage, atteinte à la dignité : les accusations portées contre certaines communautés nouvelles sont très graves.
Ainsi Marcial Maciel Degollado, le fondateur des Légionnaires du Christ, a été accusé d’abus sexuels dès 1946, cinq ans seulement après la fondation de la communauté. Une enquête canonique est lancée, mais la mort du pape Pie XII en 1958 y met un terme. De nouvelles plaintes sont déposées en 1998, mais l’enquête est freinée par Jean-Paul II. C’est finalement Benoît XVI qui écartera le fondateur en 2006. Il mourra en 2008 sans jamais avoir été inquiété. Après son décès, on apprendra qu’en plus des d’abus sexuels sur mineurs au sein des séminaires, il aurait eu plusieurs femmes et des enfants, dont certains ont porté des accusations de viol contre lui.
La communauté des Frères de Saint-Jean est, elle aussi, connue pour de nombreux abus sexuels et pour avoir traité des religieuses comme des esclaves. Mais la hiérarchie ecclésiastique a rejeté les accusions par les voix de Mgr Madec et Mgr Poulain.
La communauté des Béatitudes a dû faire face à des accusations de dérives sectaires et d’abus sexuels sur mineurs.
Thierry de Roucy, le fondateur de Point Coeur, a été condamné pour abus sexuel et abus de pouvoir par le tribunal ecclésiastique de Lyon en 2011. Il a été réduit à l’état de laïc en 2018 pour insubordination.
Les Fondations du Monde Nouveau, aujourd’hui rebaptisées Fondacio, ont également vécu « une crise ». Le fondateur Michel Rousseau a été écarté après que des accusations d’abus sexuels sur des femmes du groupe aient été portées contre lui en 1991.
Quant au Verbe de vie, deux de ses sept fondateurs (Georges et Marie-Josette Bonneval) ont été accusés d’avoir mis sous emprise des membres de la communauté et d’avoir « porté atteinte au respect et à la liberté des personnes ». Ils avaient réussi à évincer les autres fondateurs, grâce à un prêtre, le père Jacques Marin. Après la révélation de l’affaire en 2003, ils se sont exilés au Brésil où ils ont fondé Les Semeurs du verbe. Le père Jacques Marin, nommé « conseiller spirituel » a été démis de ses fonction en 2016, suite à des plaintes portées par des femmes auprès de l’épiscopat.
Ce sont quelques exemples de communautés parmi la vingtaine recensée par les associations d’aide aux victimes de dérives religieuses2.
Face aux nombreuses révélations d’abus sexuels et de dérives sectaires, la Conférence des religieux et religieuses de France (CORREF) vient d’ouvrir une enquête « sur la question des emprises dans les communautés religieuses ».
Se faire entendre est un chemin de croix pour les victimes. Les démarches à effectuer auprès des autorités ecclésiastiques sont opaques et les réactions sont très longues à venir. Les faits sont souvent minimisés, ne serait-ce que par le vocabulaire. Ainsi le mot « crise » est préféré à « actes répréhensibles ».
De plus les dérives sont parfois cachées par une hiérarchie bienveillante envers les communautés déviantes. S’ajoute à cela, le système hiérarchique pyramidal de l’Église dont chaque niveau craint d’être le porteur de « mauvaises nouvelles ». « L’Église qui a peur de blesser, de créer des conflits, des divisions, préfère tempérer, minimiser, prendre des demi-mesures. » s’indigne Xavier Léger qui conclut par un souhait, « il faudrait former les catholiques, les prêtres, les évêques sur les mécanismes d’emprise. Tant qu’on a pas écouté plusieurs témoignages, que l’on n’a pas eu une formation solide sur le sujet, on a du mal à y voir clair ».
(Source : Témoignage Chrétien, 04.07.2019)
1. Site de Xavier Léger : https://www.lenversdudecor.org/
2. AVREF (Aide aux Victimes de mouvements Religieux en Europe et Familles) : https://www.avref.fr/