La forte influence des Eglises évangéliques sur la vie politique

A l’occasion de son installation dans la résidence présidentielle, William Ruto, élu en septembre 2022 président de la République du Kenya, avait convié une quarantaine de pasteurs évangéliques afin de célébrer sa victoire, déjeuner et prier. La Première Dame le leur a promis : « vous reviendrez tous les mois ».

William Ruto est un chrétien qui ne cache pas sa ferveur. Le 5 mai, quelques semaines avant le scrutin, un accord a été signé entre la coalition Kenya Kwanza de William Ruto (alors à l’époque vice-président) et l’Association du clergé pentecôtiste et évangélique du Kenya (APECK). L’accord se présente sous la forme de seize propositions rédigées dans le but de « promouvoir les intérêts de l’Eglise et du Royaume de Dieu dans notre nation ». Parmi ces propositions : autorégulation des églises, allocation de terres pour les congrégations, nomination de membres du clergé à des postes gouvernementaux, exonération fiscale. Le télévangéliste Mark Kariuki, allié de longue date du président, déclare « suivre attentivement sa mise en œuvre ». Il fait partie des quelques deux milles pasteurs qui ont soutenu publiquement la candidature de William Ruto à la présidence. Un fort soutien qui s’explique : depuis quelques années, le futur président s’était montré d’une grande générosité à l’égard des pasteurs et de l’électorat chrétien, qui représente 80% de la population.  Il aurait en effet fait don entre janvier et juin 2018 de 600 000 dollars à des églises évangéliques.

Cette collusion inquiète, car elle permettra très certainement aux religieux de peser sur des décisions législatives. Même le système judiciaire semble en danger. Martha Koome, l’actuelle présidente de la Cour Suprême, connaît bien la Première Dame, puisqu’elles fréquentent la même église. C’est elle qui a validé la victoire de William Ruto. Elle a déclaré devant les caméras ce soir-là : « Ce jugement n’est pas dû à notre force ou à notre pouvoir en tant que tribunal, mais seulement grâce au Dieu fidèle que nous servons. »

Githieya Kimari, éditorialiste pour le quotidien The Standard, fait partie des nombreux observateurs inquiets de voir se profiler une solide alliance politique entre la présidence et les églises pentecôtistes. Dans une tribune publiée dans le quotidien quelques semaines après l’élection présidentielle, il rappelait que le Kenya « est une nation laïque » et que « la religion doit être séparée des affaires de l’Etat ». 

(Source : lemonde.fr, 28.11.2022)

  • Auteur : Unadfi