La Congrégation chrétienne des Témoins de Jéhovah belge poursuivie pour incitation à la discrimination

Le 16 février 2021 s’est ouvert devant le tribunal correctionnel de Gand un procès intenté par Unia (Centre interfédéral pour l’égalité des chances) et par treize parties civiles contre l’organisation des Témoins de Jéhovah de Belgique.

L’affaire a débuté en 2015, par une plainte pour calomnie, diffamation, insulte et violation de la loi antidiscrimination, déposée par un ex adepte devant le parquet de Gand. Suite à cette plainte, le parquet a décidé de poursuivre les Témoins de Jéhovah de Belgique pour quatre chefs d’accusation : « incitation à la discrimination d’une personne, mais aussi d’un groupe, sur la base de ses croyances religieuses, incitation à la haine ou à la violence à l’encontre d’une personne et d’un groupe. »

Unia qui a aussi porté plainte en 2015 explique que « le réseau social des Témoins de Jéhovah est souvent uniquement composé de membres de leur propre communauté religieuse. Lorsque les Témoins de Jéhovah sont exclus, ou se retirent (volontairement ou non), ils se retrouvent dans l’isolement social parce que tous les liens avec les ex-membres de la communauté religieuse sont rompus. »

Ce que confirment plusieurs parties civiles interrogées par Nieuws Blad. Linda Kriekemans explique que depuis son départ en 1998 ses amis membres du groupe et même sa famille proche ont rompu tout contact avec elle. Sa fille, dont le mari est devenu un Ancien au sein de sa congrégation, a été forcée de faire de même bien que sachant sa mère en phase terminale d’une longue maladie, elle refuse quand même de renouer avec elle.

Selon Patrick Haeck, un autre ex membre, « les responsables de la communauté racontent aux autres membres que ceux qui sont sortis du groupe sont « entre les mains de Satan », afin qu’ils les « évitent comme la peste ».

Une autre partie civile, Jenny Shippers, a déclaré devant la Cour : « J’avais 21 ans lorsque j’ai été exclue. Je ne savais pas alors que j’étais punie à vie. Ma mère a été déchirée pendant 40 ans entre son amour pour sa fille et sa foi. Cette dernière s’est avérée plus forte : elle ne m’a plus parlé. »

Une autre victime témoigne des difficultés quotidiennes provoquées par le « shunning » : bien qu’habitant sous le même toit, sa femme, l’ignore depuis qu’il a abandonné sa foi.

Pour maître Pieter-Bram Lagae « être ignoré par les gens que vous aimez est la pire forme d’intimidation ». « La politique d’exclusion s’en prend au coeur même des relations et les victimes en subissent des conséquences autant physiques que psychologiques » dit-il. « La vie de ces personnes a été irrémédiablement endommagée », renchérit maître Christine Mussche.

Le procureur qui a demandé « une condamnation de principe » et « une amende appropriée » espère qu’une condamnation pourra être « un signal à l’organisation pour que cela cesse ».

Pour sa défense l’organisation des Témoins de Jéhovah a expliqué qu’elle ne force pas l’exclusion. Pour Dimitri de Béco, l’un des avocats du groupe, « une condamnation serait une violation du droit constitutionnel à la liberté religieuse ». Citant un passage de la Bible, Ramon Scherer, un autre de leurs avocats affirme que « ces personnes font ce que la Bible leur demande, pas ce que l’organisation leur dit de faire. C’est leur croyance personnelle. Vous seriez le premier juge en 500 ans à décider que suivre la Bible est une infraction pénale. »

(Sources : Le Vif, 16.02.2021 & Nieuws Blad, 17.02.2021)

[Note de l’Unadfi : des incitations à s’éloigner de ceux qui ont quitté le mouvement figurent dans les revues du mouvement. En voici deux exemples ci-dessous :

« Les bienfaits de la fidélité à Jéhovah : le respect de la disposition biblique qu’est l’exclusion et le refus de fréquenter les transgresseurs non repentants sont bénéfiques. La pureté de la congrégation est préservée, et nous démontrons notre adhésion aux normes morales élevées de la Bible (1Pierre 1:14- 16). Nous nous protégeons des influences corruptrices (Gal. 6 :7- 9). » (Le Ministère du Royaume, août 2002, La fidélité chrétienne éprouvée par l’exclusion d’un parent). Extrait de BulleS – N°122 – 2ème trimestre 2014, Témoins de Jéhovah : décryptage (5) l’ostracisme des exclus est-il légal ?

« En coupant le contact avec l’excommunié ou l’exclu, vous montrez que vous haïssez son attitude et ses actions qui le mènent à ce résultat. Mais vous pouvez aussi montrer que vous aimez suffisamment le transgresseur en agissant au mieux de ses intérêts. Votre loyauté à Jéhovah [lisez : le Mouvement] peut augmenter la probabilité que celui à qui la discipline a été rappelée se repente et retourne à Jéhovah ». La Tour de Garde du 15 f évrier 2011. Extrait de BulleS – N°114 – 2ème trimestre 2012 Les règles d’ostracisme des Témoins de Jéhovah]

 

  • Auteur : Unadfi