Entre prévention et répression

Depuis l’ouverture de la plateforme dans le cadre du plan, mis en place par le gouvernement le 29 avril dernier, 24 candidats au djihad ont été signalés, dont cinq qui ont déjà quitté le territoire français. Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve a indiqué qu’il s’agissait de huit femmes et seize hommes âgés entre 14 et 34 ans.
Le ministre de l’Intérieur indique qu’au total, 285 français seraient engagés sur les théâtres des opérations en Syrie, soit une hausse de 75% dans les six derniers mois. Il fait état de 120 autres qui seraient en transit, d’une centaine rentrés en France et de 25 tués sur place.

Les réelles intentions de ces jeunes seraient de « faire de l’humanitaire » pour les jeunes filles, de « combattre » pour les jeunes hommes. Ces jeunes appellent leurs proches pour leur signifier qu’ils ne reviendront pas car la France est un « pays de mécréants ». Mais l’endoctrinement est maîtrisé, la parole contrôlée.

Sept d’entre eux ont été placés en garde à vue à Strasbourg. Prétextant des vacances, ces jeunes âgés de 23 à 25 ans, issus du même quartier, seraient partis en Syrie en décembre 2013. Pour le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, leur sort est clair : si « ils sont en lien avec une entreprise terroriste, (…) ils seront remis à la justice ». Les sept jeunes devraient donc, selon toute vraisemblance, être mis en examen pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste », infraction passible d’une peine de dix ans de prison et de 225000 euros d’amende. L’un de leurs avocats dénonce une « dérogation de droit commun », « on les arrête pour une infraction à commettre ».

Les services de renseignements craignent que ces jeunes de retour ne commettent des actes terroristes en France. Pour Marc Trévidic, juge antiterroriste qui enquête sur les filières islamistes radicales, les associations peuvent être une solution de prévention pour tenter de démotiver d’éventuels candidats au départ. Il déplore la baisse des subventions. Il n’est pas opposé à la création de nouvelles infractions comme un délit obstacle, soit l’interdiction pour un français d’aller combattre ou de s’embrigader à l’étranger sans autorisation ou encore un délit à part pour ceux qui enfreindraient l’interdiction administrative d’aller en Syrie.

Quant à Mathieu Guidère, professeur d’islamologie à l’université de Toulouse, il estime que si ces individus reviennent, c’est qu’ils ont échoué dans leur projet. Pour ne pas en faire des terroristes, « mieux vaut les considérer comme des victimes de dérives sectaires ».

Dounia Bouzar, anthropologue, créatrice du Centre de Prévention contre les dérives sectaires liées à l’Islam (CPDSI) trouve le volet prévention du plan du gouvernement novateur. Elle a formé les écoutants du numéro vert de la plateforme.

En composant le Numéro Vert, les familles peuvent :
 

  • discuter pour mieux comprendre avec l’écoutant tout en restant anonyme ;
  • demander un éducateur dans sa région pour l’aider à affronter psychologiquement la situation si elle est avérée ;
  • demander à ce qu’on signale d’urgence son enfant au sein de toutes les frontières qui mènent à la Syrie pour l’empêcher de partir.

Numéro Vert : 0 800 005 696

Dounia Bouzar insiste sur l’importance de la formation que doivent suivre les acteurs locaux (travailleurs sociaux, chargés de mission territoriaux, policiers municipaux). Ils doivent notamment être en mesure de distinguer un endoctrinement à l’islam radical d’une simple conversion à l’islam.

L’anthropologue estime que la spécificité française est une chance pour les musulmans de France : « appliquer (…) les critères des dérives sectaires – déjà appliqués aux autres religions – à l’islam, c’est assumer que la religion musulmane n’est pas l’islam radical ». Dans la plupart des autres pays européens, « les radicaux se font passer pour de simples orthodoxes et parviennent à faire avaliser leurs comportements de rupture sectaire comme de simples applications de l’islam ». Cet amalgame nourrit l’islamophobie qui nourrit l’islam radical.

Sources : Libération, 01.05.2014 & Atlantico, 07.05.2014 & La Gazette.fr, 09.05.2014 & Le Monde, 08.05.2014 & l’Express, 14.05.2014