Dans un pays ou au moins une personne sur trois est évangélique, et où cette réserve de voix est extrêmement convoitée, le second tour de la campagne présidentielle brésilienne aura pris des airs de guerre de l’information.
Lula a remporté l’élection présidentielle au Brésil en octobre dernier. Mais avant cette victoire, le second tour avait fait des électeurs les cibles d’une désinformation acharnée. Au Brésil, les églises évangéliques se sont multipliées ces dernières années et durant le second tour de l’élection présidentielle, beaucoup d’entre elles ont été utilisées comme des relais pour recueillir un maximum de voix pour Bolsonaro. Alors même que le mélange entre foi et politique est interdit par la loi, de nombreux pasteurs ont utilisé leur église comme tribune et mené campagne pour la réélection de Bolsonaro.
Discours radicalisé, flot de fausses informations, rumeurs sordides, violence des propos à l’encontre de Lula, mais également à l’encontre de l’église catholique : la campagne menée par les pasteurs, « devenus auxiliaires de l’extrême droite » n’était pas banale. Conséquence, « ces multiples manipulations ont provoqué un nombre record d’incidents dans les temples. Pour un croyant, le pasteur est le représentant de Dieu sur terre et son rôle est d’orienter, donc sa parole compte beaucoup », explique Christina Vital da Cunha, chercheuse à l’Institut d’études sur les religions. Elle confirme l’aspect inédit de cette campagne qui a vu des pasteurs « [relayer] leurs ‘fake news’, [condamner] les fidèles qui ne suivent pas leur ligne, [expulser] d’autres pasteurs ».
Afin de faire de cette campagne une véritable guerre culturelle, les pasteurs ont fortement insisté sur les « dangers moraux » qui adviendraient si la gauche revenait au pouvoir. À titre d’exemple, ce pasteur officiant au sein de l’Assemblée de Dieu (la plus grande dénomination évangélique du Brésil), qui vocifère devant les fidèles : « l’idéologie de genre, non ! S’ils ferment les églises, mes frères, nous irons prêcher dans la rue, mais dès aujourd’hui nous devons combattre de toutes nos forces un tel projet. »
Les fidèles ce jour-là étaient en majorité des femmes noires et pauvres, qui subissent au quotidien la violence des opérations policières. Et pourtant, persuadées que Bolsonaro est celui qui défend la famille et l’Église, persuadées que Lula est l’ennemi des chrétiens, citations et photos partagées sur des groupes WhatsApp à l’appui, ces femmes iront voter pour lui.
Jaïr Bolsonaro possédait un atout de taille pour rallier les voix de cette population : sa propre femme. Michelle Bolsonaro a en effet participé entièrement à la campagne, voyageant dans tout le pays pendant le second tour et animant des cultes au sein d’églises et de temples évangéliques. Le 20 octobre, dans un gigantesque temple, elle disait devant six mille fidèles que la campagne était « une guerre spirituelle, une lutte contre le mal, contre Satan qui veut détruire notre nation. Malheureusement, beaucoup de chrétiens ne le comprennent pas, mais le Brésil est la dernière barrière contre le communisme ».
(Sources : lemonde.fr, 25.10.2022, rmc.bfmtv.com, 29.10.2022)