Douze anciens mormons français témoignent

L’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers jours est une institution discrète née au XIXe siècle aux Etats-Unis. Dans Le Parisien, douze anciens mormons racontent leur endoctrinement dans cette secte.

Tous décrivent « un univers rétrograde » où, sous couvert de bienveillance, « les intrusions dans la vie privée sont légion ». Ils dénoncent « un contrôle dès l’enfance » et beaucoup de ceux qui en sortent se disent toujours « traumatisés ». Le phénomène est bien connu aux Etats-Unis. Beaucoup moins chez nous. C’est une ancienne adepte, Laura, 35 ans, qui a souhaité briser le silence en envoyant un mail au Parisien en septembre dernier pour « raconter ce qui se passe à l’intérieur du Temple ». Un Temple bâti dans la polémique en 2017 au Chesnay (Yvelines). Il existerait en plus une centaine de chapelles, fréquentées par quelques 12 000 « fidèles » sur les 40 000 revendiqués par le mouvement qui s’est développé en France dans les années 60.

Pressions sociales et financières

La plupart de ceux qui prennent la parole sont des enfants « nés dans l’Eglise ». Durant des années, ils ont appliqué les règles. « Les relations sexuelles et la masturbation sont prohibées. Si vous explorez votre sexualité, vous êtes quasiment considéré comme sataniste. Comment voulez-vous, après le mariage, passer du noir au blanc ? » confient d’anciens adeptes racontant « les troubles et blocages graves » qu’ils subissent aujourd’hui, « leurs rapports étant chargés de douleur et de culpabilité ». Et que dire de l’homosexualité ? Aymeric, 30 ans, est parti en 2012 quand il a découvert la sienne. « D’autres se sont donné la mort parce que ce n’était pas accepté ».

Philippe, lui, est parti « pour s’éloigner du racisme très ancré » racontant qu’on leur inculque « que la peau foncée est une punition de Dieu. J’avais l’impression qu’on devait tous se ressembler ». En situation d’obésité, cette ancienne adepte se sentait en sécurité dans l’Eglise. Jusqu’au jour où deux fidèles se sont invités à son domicile pour vider son réfrigérateur. « C’est là qu’on m’a le plus jugée » murmure-t-elle, souffrant aujourd’hui de crises d’angoisse et ne sortant plus de chez elle.  Des pressions sociales mais aussi financières. Les mormons sont « invités » à donner 10 % de leurs revenus à la communauté, « sans quoi, on ne peut pas assister aux cérémonies » se souvient Pauline. Quitte à se ruiner. « Dans l’Église, ceux qui ne réussissent pas sont mis de côté. Cela peut créer une culpabilité importante » explique la vice-présidente de l’Unadfi.

« Après, il faut apprendre à vivre »

« Ex-mo » comme ils se surnomment, Jean et Tristan avouent suivre aujourd’hui des psychothérapies « pour panser les cicatrices, faire disparaître les pensées parasites et apprendre à vivre ». Oui, « à vivre hors d’une communauté élitiste où l’on apprend à prier en même temps qu’on apprend à parler » ajoute Sébastien. « Pas facile quand on vous a martelé depuis votre enfance que, quitter la communauté, c’était passer du côté obscur et que les ténèbres du dehors sont le pire niveau de l’enfer ». Autre « ex-mo », cette jeune femme a retrouvé le « Livre de Mormon », sorte de troisième Testament, ouvrage canonique du mouvement. Celui qu’elle emmenait avec elle quand ils devaient partir, deux par deux, en mission faire du porte-à-porte, pour promouvoir ces écrits qu’un ange aurait confiés au fondateur de l’Eglise Joseph Smith en 1823, et recruter de nouveaux adeptes. Aujourd’hui, « j’aimerais retourner les voir et leur dire : surtout, ne croyez pas ce que je vous ai dit ». Dans le groupe Facebook d’anciens mormons, créé par Sébastien en 2020 « pour échanger », un membre va plus loin : « avec du recul, je me dis que j’étais dans une secte ».

La Miviludes reste vigilante

Au Caffes, la présidente Charline Delporte tire la sonnette d’alarme affirmant « avoir, depuis plusieurs années, reçu des témoignages de faits dommageables ». La Miviludes, dit, pour sa part, « rester vigilante » mais, à ce jour, elle n’aurait « reçu aucune plainte ou signalement susceptible de constituer une dérive de nature sectaire concernant ce mouvement ».

Quant à Matthieu Bennasar, directeur de la communication de l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers jours en France, il se défend : « tout ce qui ressemble à de la coercition ou de l’emprise est contraire à nos croyances. Le respect du libre arbitre est un fondement de notre doctrine. Il n’y a pas de volonté d’attacher les gens aux bancs de l’église le dimanche ». 

 (Source : Le Parisien, 19.11.2023)

  • Auteur : Unadfi