Enquête sur les dérives liées à l’ostéopathie

Mi-novembre, Charlie Hebdo alertait sur les dérives associées à l’ostéopathie, en rapportant le cas d’un nourrisson ayant subi les conséquences graves de manipulations ostéopathiques.

L’affaire remonte à six ans. Une jeune maman, désemparée par les coliques chroniques de son bébé de six mois, consulte son médecin généraliste, qui est formel : le nourrisson doit bénéficier de séances d’ostéopathie. Pour appuyer sa recommandation, le médecin relate son expérience positive avec un ostéopathe, qui aurait soigné l’asthme de son propre fils. Convaincue, la mère prend rendez-vous avec un praticien. Mais en cours de séance, le nourrisson devient bleu, et la mère constate ses grandes difficultés à respirer. L’ostéopathe refuse toutefois d’appeler le SAMU, malgré l’urgence évidente de la situation. La jeune mère se rend d’elle-même à l’hôpital : les manipulations du praticien ont provoqué un syndrome de Morestin, une asphyxie, provoquée par un écrasement du thorax, ordinairement constatée après des accidents de voiture. Après cet événement, elle prend contact avec l’Association de Défense des Victimes de l’Ostéopathie (ADVO), mais ne donne pas de suites juridiques. L’affaire est néanmoins portée devant le Registre National des Ostéopathes, sans incidence notable. En effet, l’ostéopathie n’étant pas reconnue comme une profession de santé, il n’existe aucune instance autorisée à statuer sur des sanctions disciplinaires.

Depuis quelques temps, l’ostéopathie infiltre de nombreux domaines, du monde sportif au milieu de la maternité, ce qui assoit sa crédibilité et participe à son essor vertigineux. Cette pratique est particulièrement populaire auprès de la population française : la France est le pays ayant la plus haute densité d’ostéopathes au monde, avec 42 praticiens pour 100 000 habitants Le succès de cette PSNC s’expliquerait en partie par les difficultés d’accès à des professionnels de santé. Pourtant, rappelle Roger Parot, de l’ADVO, certains motifs de consultations seraient facilement traitables par la médecine conventionnelle, en évitant de potentielles complications. Pascale Mathieu, de l’Ordre National des Masseurs-Kinésithérapeutes, propose une autre piste d’explication : selon elle, les ostéopathes densifieraient leur clientèle en pathologisant des symptômes et situations tout à fait normales.

Les conclusions d’un récent rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) sur l’ostéopathie sont particulièrement alarmantes : enseignements doctrinaires, absence de preuves d’efficacité, porosité avec d’autres pratiques signalées à la Miviludes… Dans les faits, le nombre de victimes de l’ostéopathie est difficile à quantifier. En cause : le sentiment de honte des victimes, une absence de réglementation claire, et la difficulté à établir des liens de causalité entre le recours à l’ostéopathe et les complications survenues … 

(Source : Charlie Hebdo, 16.11.2023)

  • Auteur : Unadfi