Des « Servantes de Dieu » brisent le silence

Le Financial Times a ouvert une grande enquête qui met lourdement en accusation l’Opus Dei, l’une des organisations catholiques les plus puissantes. Dans ce cadre, seize anciennes assistantes numéraires, qui ont travaillé pour l’organisation comme domestiques, non rémunérées, ont accepté de se confier à la journaliste Antonia Cundy.

Issues de milieux ruraux et de la classe ouvrière, des jeunes filles ont été recrutées par l’Opus Dei « en vue de recevoir une éducation ». Ces femmes ont surtout été contraintes à la servitude domestique sous un contrôle psychologique strict. Quand elles ont finalement eu le courage de tout quitter, elles se sont retrouvées totalement démunies. C’est ce que raconte Ann Marie Allen, une Irlandaise aujourd’hui âgée de 60 ans. Elle avait 15 ans lorsqu’elle a rejoint un cours de formation dans une école de restauration gérée par l’Opus Dei. À 16 ans, elle est devenue « numéraire auxiliaire ». Elle travaillait du matin au soir dans la résidence des étudiants de l’organisation à Galway, cuisinant et servant des repas, faisant la lessive et nettoyant les chambres. Lorsqu’elle ne travaillait pas, elle vivait dans un centre Opus Dei. Là-bas, dit-elle, elle était pressée d’assister à la messe. Mais surtout, elle pouvait être privée de repas, devait dormir une nuit par semaine sur le sol, sans matelas, prendre des douches froides, et était obligée de porter un cilice autour de la jambe deux heures par jour. Elle dit qu’elle a été isolée de sa famille, que ses courriers étaient ouverts et que ses appels téléphoniques étaient surveillés. Au lycée, se souvient-elle, il n’y avait pas de manuels scolaires, pas d’emploi du temps, tout était improvisé. Au fil du temps, elle a dû se conformer aux « orthodoxies ». On lui répétait : « si vous ne suivez pas votre vocation, vous n’aurez pas de relations heureuses… Vous irez en enfer ».

« Corrections fraternelles »

Elle évoque aussi « les corrections fraternelles », sorte de réprimandes verbales visant à formater votre comportement, et les petits coups de fouet le samedi. « Vous ne pouvez pas vous opposer. On réprime constamment vos valeurs, vos opinions… C’est du catholicisme sous amphétamines ».

Finalement, avec l’aide de son père, elle dit avoir réussi à fuir et se reconstruire.  Elle a étudié le soir, obtenu un certificat de fin d’études secondaires, puis une maîtrise, et est devenue haut fonctionnaire pénitentiaire. Aujourd’hui, elle est l’un des éléments clés d’un élan mondial d’anciens numéraires auxiliaires voulant dévoiler ce qui s’est passé au sein de Opus Dei et demander réparation. Avec 43 anciens membres (la plupart d’Amérique du Sud), elle a déposé une plainte auprès du Vatican. Ce témoignage est au cœur d’une enquête majeure publiée par le Financial Times mi-mars. Interrogée par les journalistes, l’Opus Dei rejette « toute accusation d’exploitation ». L’organisation dit reconnaître « qu’il y a pu avoir de mauvaises expériences » et invite, dans ces cas-là, « les personnes à déposer une plainte formelle ». 

(Sources : Raidió teilifís Éireann, 30.03.2024 & Golias Magazine, 03.04.2024)

A lire aussi sur le site de l’Unadfi : L’Opus Dei n’est plus en odeur de sainteté :   https://www.unadfi.org/actualites/groupes-et-mouvances/lopus-dei-nest-plus-en-odeur-de-saintete/

  • Auteur : Unadfi